mardi 6 mai 2014

Un jour, ça devait arriver!

Je me souviens très bien, peut-être parce que je l'ai relu aussi, comment j'anticipais le scénario de perdre Tommy lorsqu'il était tout petit. Ça me brisait le coeur, mais aussi, ça me faisait horriblement peur juste à y penser.

Et une journée... c'est arrivée. Le scénario que je m'étais fait dans la tête, celui que je ne voulais pas qui arrive, s'était produit, malgré moi... Une journée, nous avions perdu Tommy. Dans un endroit dangereux, dans le bois. Le récit de cette malheureuse aventure qui s'était tout de même bien terminée est - ici -.

Avec Tommy, les années se suivent et se ressemblent. C'est dommage, ce n'est pas ce qu'on souhaite avec nos enfants.  Les parents rêvent de les voir grandir, aller aux études, trouver un emploi, avoir un conjoint...

Lorsque la vie nous a offert un enfant autiste... dans le sens "vraiment autiste", les années passent, mais différemment. Il grandit, les vêtements ne font plus, les saisons passent... mais le reste, est sensiblement pareil. À chaque année, on voit passer les transitions, signe que le temps file à une vitesse folle, et on se souvient, on sait ce qui nous attend.

Pour Tommy, par exemple, ce sont les régressions lorsque l'école recommence. Au niveau comportement le temps de s'ajuster mais aussi, surtout, au niveau de la propreté. Ça vient et ça passe... on souhaite éventuellement que cette régression ne suive plus les années qui passent, mais on ne sait pas quand.

Ensuite, c'est Noël, ce moment de l'année ou nous ne savons pas quoi offrir à un enfant autiste aux intérêts tellement restreint qu'on ne sait pas vraiment ce qu'il aime? Alors que les gens fêtent, que les enfants ont hâte à Noël, Tommy cri car on lui fait faire une transition qu'il n'apprécie pas, n'a pas envie de suivre lors des sorties et a hâte de retrouver la maison au plus vite.

Ensuite, il y a la semaine de relâche, où le même scénario se reproduit, transitions difficiles, sorties difficiles, intérêts trop restreints à la maison...

Et ensuite, vient l'été. Cette saison tout de même très agréable, tout de même mieux que les premières années, mais avec les mêmes défis, encore et encore, à chaque année. Arrive sa fête, avec le même casse-tête, cadeau, fête, avec qui? Pourquoi?  DÉJÀ VU.

Tommy aime lancer, regarder les objets derrière la clôture, lancer les objets dans la piscine pour les regarder flotter, sauter en "flappant" devant le filtreur de la piscine. À l'époque, nous avions l'esprit tranquille. La cour est clôturée et il était en sécurité.

Mais... pour combien de temps? Car, les scénarios étaient dans ma tête, les défis à venir, la clôture trop basse, un enfant capable d'escalader celle-ci. Car Tommy, s'il ne change pas vraiment au niveau de sa compréhension et de son autisme, de sa conscience du danger... il grandit. Il prend de la force, de la vitesse et des pouces supplémentaires. C'est ainsi qu'une année, la clôture n'était plus à son épreuve. Au mieux, ça limite ses possibilités de se sauver, mais s'il veut le faire, rien ne l'en empêche. Il sait comment ouvrir la barrière, et si la barrière est barrée, il sait comment passer par dessus avec un petit banc. Mais bientôt, le petit banc ne sera plus nécessaire... car Tommy continue de grandir.

Je le savais... et on le voit venir, malgré nous, sans vraiment y pouvoir grand-chose. Alors depuis ce temps, sortir dehors n'est plus reposant, car on ne sait jamais quand Tommy décidera de passer la clôture pour y faire autre chose... comme les fois où nous avons couru après lui alors qu'il se sauvait chez le voisin, en riant bien entendu de nous voir courir. Maintenant, c'est le grincement de la porte qui m'avise du danger... On répète, c'est interdit... mais on ne sait jamais.

Il y a 4 ans, nous avons acheté une piscine. Car tant qu'à être emprisonnée chez moi, malgré moi, aussi bien pouvoir offrir toutes les commodités possibles aux enfants pour profiter de l'été. Un des meilleurs achats que j'ai fait, une de mes meilleures décisions.

Mais une journée... alors que Tommy était encore petit et ne savait pas nager, je savais... et j'ai eu un choc qui m'a traversé le corps... Une pensée qu'on veut effacer de notre tête, mais qui y reste malgré nous... La piscine fait 54po de haut. Mais un jour... Tommy sera grand. Un jour, la hauteur de la piscine ne sera plus à son épreuve, et nous devrons redoubler de prudence là où les parents d'enfants de 8 ans commencent à souffler de plus en plus, les laisser jouer dehors seul, aller chez des amis...

Aujourd'hui, nous profitions d'une belle fin de journée, alors que le beau temps semble vouloir se pointer un peu le bout du nez. Tommy n'était pas très heureux les premiers jours où nous l'avons "forcé" à venir jouer dehors, mais maintenant il est content. Il se promène avec des craies et dessine sur la clôture, sautillant et flappant. Toutefois, aujourd'hui, il cherchait plutôt à s'autostimuler visuellement. Ça commence par lancer une balle chez le voisin, passer des objets de l'autre côté de la clôture pour les regarder d'un autre angle... et aligner ses cônes un peu partout... mais surtout... autour de la piscine sur le rebord.

Moi, de mon côté, si je suis prise à la maison, malgré moi, j'essaie, autant que je peux, de faire avancer les choses, comme le ménage du terrain. De l'autre côté de la clôture, avec les enfants tout de même bien en vue... je passais le balai à feuille pour me faire disparaître les traces de l'hiver et ses dégâts de roches sur le terrain. Tommy plaçait ses cônes sur le rebord de la piscine et moi je le regardais du coin de l'oeil. Mais avec un enfant comme Tommy, un coin d'oeil n'est pas suffisant, même si avec les années j'essaie de me le permettre, il y a toujours un incident au détour. Un garçon grimpé là où il ne faut pas, des objets chez le voisin, un ballon dans la rue, un filtreur de piscine qui change de place, la piscine pleine de balles ou tout ce qui lui passe sous la main...

Alors, j'étais à mes secondes sans regarder la cour, que j'entends la grande me crier :

"Maman, Tommy est grimpé sur la piscine!!!"

Et voilà. Nous y étions, nous y sommes... à ce moment attendu, prévu, inévitable.

Tommy avait échappé un cône dans la piscine. Mais le temps que la grande me crie ce qui se passait, Tommy avait déjà plus de la moitié du corps passé par-dessus le rebord de la piscine, les jambes étaient ce qui le tenait encore en dehors de l'eau.

J'ai crié fort un "NON" à Tommy, les voisins se sont retournés à mon cri, probablement sans vraiment comprendre le pourquoi....

Si mon coeur n'a pas trop fait de tour lorsque j'ai été témoin de la scène, c'est qu'heureusement, entre la journée où j'ai eu ce flash horrible qui m'a traversé la tête et aujourd'hui, quelques années sont passées, et Tommy a appris à nager. Donc, au pire du pire, il aurait eu vraiment très très froid, aurait pleurer très très fort, mais le niveau d'eau étant plus bas et Tommy sachant nager, il n'y avait pas de risque de noyade à ce moment. Évidemment, c'est dans un scénario où Tommy est constamment surveillé... pas de pause, pas de lecture calme alors que les enfants jouent dehors, pas de petit garçon qui peut aller s'amuser seul à l'extérieur.

C'est arrivé. Cette journée prévue, attendue... Celle où il faudra, autant que possible, continuer d'expliquer à Tommy, autant qu'il peut comprendre, qu'il ne faut pas grimper sur la piscine.. On devra cacher, chaises, tabourets, petites tables... si on veut le laisser un minimum de temps à l'extérieur, juste au cas, mais c'est évident, que cela ne fait que nous sauver quelque temps... car un jour, il sera assez grand... et la surveillance montera d'un autre cran.

Tommy comprend très bien les interdictions, lorsque je lui dis que c'est dangereux. Mais l'autisme... c'est fort... et cela va au-delà de seulement l'éducation. Car même si Tommy "sait", un intérêt peut être trop fort à un moment où cela pourrait être grave.

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