lundi 6 janvier 2014

L'étiquette de la différence

Je crois que tout est matière à réflexion, toujours, tout le temps, constamment. Se remettre en question, soulever des doutes sur ce qui semble une certitude, c'est seulement se permettre d'avancer.

Il y a je ne sais combien d'années, les médecins croyaient que nous devions saigner les patients pour les guérir d'une maladie, une fièvre. Quelqu'un, un jour, a questionné cette méthode douteuse qui pourtant, certains médecins étaient convaincus d'avoir vraiment raison. Comme un jour, on a osé affirmer que la Terre n'était pas plate.

Malheureusement, la race humaine n'a pas vraiment changé, la "bêtise humaine" comme je la qualifie parfois... C'est malheureux, mais c'est comme ça. Quand quelqu'un remet en question une réflexion, une "supposée certitude", des masses se soulèvent, indignées, enragées, fâchées... 

La vie, c'est fait pour réfléchir. Si je parais parfois peu sûre de moi, je crois que je suis surtout ouverte à ne pas avoir la réponse absolue tout simplement.


Il y a peu de temps il y a eu un article dans La presse concernant les garderies. Étrangement, ou non, dans l'article, l'auteur a aussi signalé l'augmentation des enfants avec un "trouble".  Le but, était de remettre en question les garderies. Celles supposément si bonnes pour les enfants.

Évidemment, la réflexion a laissé place à l'indignation, comme prévu, comme l'humain déteste toujours qu'on le mette face à des doutes, à une incertitude, alors, frappons plutôt le messager pour garder notre tête dans le sable.

C'est tabou, très tabou ce qui concerne l'éducation des enfants (donc l'autisme et tous les autres troubles sont inclus ici).

Malheureusement, je vous dirai que dans toutes ses réflexions menant à l'indignation, il y a une part de vérité bien cachée et un jour, on sera prêts à l'entendre. Un jour. En attendant, les foules se soulèvent plutôt contre... pour cacher leur culpabilité, leurs doutes, pour ne pas reconnaitre qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas aujourd'hui, en 2014.

C'est ainsi qu'un article est sorti aujourd'hui sur la hausse fulgurante des cas d'autisme. Ce n'est pas nouveau, mais ca continue. D'ailleurs, on voit aussi une disparité entre les différentes régions, il y a plus d'autistes en Montérégie. Vraiment?

"À son avis, plusieurs facteurs expliquent la hausse fulgurante des cas d'autisme, dont un meilleur dépistage. Auparavant, les autistes étaient davantage associés à de la déficience intellectuelle. «On les dépiste plus facilement parce qu'on est plus aguerri. Nos CLSC, CSSS et les écoles sont plus éveillés sur l'autisme. En plus, les critères diagnostiques des psychiatres ont été élargis», a expliqué la médecin. La Dre Caron a travaillé pendant 17 ans à l'hôpital du Sacré-Coeur à Québec avant de se diriger dans la métropole.
Elle croit par ailleurs que les intervenants sont plus portés à référer les enfants en autisme étant donné qu'il y a plus de services qu'en déficience intellectuelle. Depuis quelques années, des jeunes avec des troubles de langage sont maintenant considérés comme autistes."

Cette question, c'est aussi ce jugement qu'on a l'impression que la société a envers nous. Jugement? Ou remise en question? Ou réflexion? Un peu de tout. Parce que la semaine dernière je l'ai eu cette conversation avec l'autre génération, qui ne juge pas, pas tout à fait, mais qui ne comprend pas, qui essaie de comprendre comment en si peu de temps on peut se retrouver avec autant d'enfants supposément troublés? 

Il faut dire qu'il y a un mélange d'un peu de tout... mais la question se pose réellement. Qu'est-ce qui se passe, aujourd'hui, en 2014? Si on se fit aux statistiques, nous sommes presque tous malades. Un jour, nous serons tous handicapés.

Ce n'est pas nouveau, nous n'en parlerons pas suffisamment, pas tant que les gens n'auront pas entendus, pris la peine de réfléchir plutôt que de s'indigner devant une question censée, vitale...  Mais se remettre en question c'est sortir de son petit confort...

On m'a demandé quelques fois pourquoi je n'utilisais pas le terme "autisme" pour décrire nos filles. Parce que je ne suis pas d'accord, parce que je n'aime pas l'idée que la différence humaine doive absolument aujourd'hui avoir une étiquette bien à elle alors que le caractère unique de chaque humain est pourtant seulement un fait. Mais aujourd'hui, plus qu'auparavant, on ne semble pas vouloir accepter la différence qui est seulement naturelle.

Ce n'est pas seulement depuis aujourd'hui que j'en parle, c'est depuis longtemps que cette réflexion doit être faite, mais aussi qu'on doit recommencer à dédramatiser la différence, parce qu'aujourd'hui je vois trop de drame sur des petites choses, une petite différence, qui n'a pas besoin d'être dramatisée mais bien plutôt le contraire.

C'est un article de 2011, le cri était déjà bien là, plusieurs sont conscients, plusieurs tentent de se faire entendre, malheureusement, on ne semble pas prêts...

"La cause la plus probable de cette épidémie d’autisme est que l’autisme est devenu à la mode – un diagnostique en vogue. Auparavant rarement utilisé et sans erreur possible, le terme est aujourd’hui utilisé de manière très approximative pour décrire des individus qui ne répondent pas pleinement aux critères précis exposés dans le DSM IV. L’autisme compte maintenant un large ensemble d’individus avec des problèmes bien plus légers qui auparavant restaient sans diagnostiques ou étaient classés dans d’autres catégories. L’autisme n’est plus considéré comme une condition extrêmement incapacitante et de nombreuses personnes créatives ou normalement excentriques ont découverts leur moi intérieur autiste.

Cette envolée dramatique du sous-diagnostique vers un sur-diagnostique a été alimentée par une large publicité, le soutien de l’internet et de divers groupes, et le fait que les écoles  spécialisées chères ne sont ouvertes qu’à ceux dont le diagnostique a été confirmé.[...]

Toute étude épidémiologique, et l’étude coréenne n’y échappe pas, est souvent biaisée par une surestimation du taux des pathologies par la prise en considération de troubles même légers qui n’ont aucune signification clinique. Il est tout à fait probable que 3% de la population aient effectivement des traces d’autisme, mais il est totalement improbable qu’autant d’individus aient des symptômes suffisamment sévères pour être pleinement considérés comme autistes. Les taux rapportés devraient être considérés comme la limite supérieure, et non comme le reflet véritable du taux de troubles mentaux à proprement parlé."


Aujourd'hui, la différence fait mal, inquiète... Par le fait même, alors qu'on devrait plutôt montrer qu'avec cette différence vient de grandes forces, on mise plutôt sur les incapacités et les faiblesses pour prouver notre raison d'étiqueter cette différence. L'enfant qui dérange trop en classe a beau être un génie en mathématique... reste qu'il dérange. On pose un bandage sur les faiblesses et on oublie de faire grandir les forces.

L'étiquette, je m'en fous, même si je l'ai, même si je l'ai cherché, juste parce que nous n'avions pas vraiment le choix dans les années 2000, mais je m'en fous. L'étiquette en soi ne veut rien dire pour moi et elle ne le devrait pas non plus pour bien des gens. L'étiquette blesse trop, est trop importante... et masque tout ce qu'il y a derrière... Pire encore, je crois, malheureusement, que certaines étiquettes empêchent de se surpasser, donnent une raison au statut quo, parce que finalement, on a une étiquette, on est fait comme ça, pourquoi alors chercher à être plus?  Pourtant, à l'époque, on les poussait, on les aidait à se surpasser, à aller plus loin...

L'étiquette a l'époque signifiait beaucoup, parce qu'on parlait d'handicapés. Aujourd'hui, on parle de l'étiquette de la différence, et la ligne n'est pas foutue de se tracer à quelque part, il ne semble plus y avoir de fin à ce qu'est la différence aujourd'hui. Ces nouveaux non-handicapés étiquetés essaient de faire valoir leur point, sans réaliser que justement, ils misent peut-être un peu trop sur l'étiquette pour se faire entendre.

Mon but, en 2014, c'est de plutôt d'expliquer la différence en misant sur la ressemblance.


*C'est un message complexe et comme j'ai quatre mousses à la maison actuellement il se peut que le tout ne soit pas clair... Personne ne devrait se sentir personnellement visé ici, chacun est maitre de ses propres réflexions et ses propres façons de voir. La ligne que je trace entre la différence et le handicap n'est pas définie ici et peut être différente entre vous et entre moi.  Je ne suis pas contre l'étiquette, j'ai traité du sujet plus d'une fois déjà... Je suis contre ce besoin aujourd'hui de tout étiqueter... Je crois qu'il y en a trop. Je crois qu'on essaie trop de parler de l'étiquette et la différence, et qu'au final, on ne fait que se nuire. Sans compter les erreurs d'étiquettes qui peuvent aussi être nuisibles et sont un % non négligeables dans les statistiques récentes.* 

3 commentaires:

Julie

Je suis tout à fait d'accord avec toi. Je me suis battue, démenée corps et âme pour que les troubles de ma fille soient diagnostiqués (étiquetés?). On m'avait laissé croire que c'était essentiel pour qu'elle ait accès à des services. Elle a reçu un beau cocktail de diagnostics (dont un TED). Mais pas de services, ni de l'école, ni du CLSC, ni des centres de réadapt. Depuis ce temps, j'ai laissé tomber les diagnostics, qui au fond servent si peu. Et j'ai commencé à voir ma fille pour ce qu'elle est, elle, pour vrai, sans focuser uniquement sur ses troubles. Et elle est belle, ma fille, radieuse, allumée, authentique, unique. Voilà ce qui la définit vraiment :-)

Anonyme

Bonjour,

Je pense que les étiquettes sont mises sur les enfants sous la pression des écoles, parfois sans contrôle médical régulier. Je ne trouve pas normal qu'une éducatrice de garderie puisse étiqueter un enfant de TDAH ou d'autiste sans qu'un médecin ait fait réellement tous les tests appropriés tout en ayant vérifié la vision, l'ouie...
Combien d'enfants étiquété TDAH ont un problème sous-jacent non détecté? Le manque de médecin de famille est à mon avis immédiatement lié à cette augmentation des étiquetages parce que le médecin de famille connaît l'enfant. Que dois-je dire de notre cas? Mon propre fils qui est passé par toute sorte d'hypothèses diagnostiques, qui aujourd'hui n'a plus de difficultés en motricité grâce à des lunettes adéquates et une bonne prise en charge de la vision. Je n'ai jamais reconnu mon fils dans la description qu'en faisait l'éducatrice de la garderie, je ne l'ai pas reconnu par la suite jusqu'à ce que ça fasse tilt... qu'enfin on me décrivait mon fils. Une éducatrice de garderie/un professeur n'est pas un médecin. Au total, 2 ans de retard dans sa prise en charge à cause des mauvaises pistes. Mon fils aurait pu prendre la place d'un autre enfant en raison d'une étiquette erronée. Combien d'enfants prennent la place dans les services à l'école ou ailleurs d'autres enfants qui en ont besoin? Je sais aujourd'hui que pour mon fils, les directions prises étaient les mauvaises. Aujourd'hui, on a les bonnes et les progrès sont fulgurants. Je persiste et je signe que les contrôles médicaux ne sont pas assez rigoureux. Mon fils n'avait vu aucun médecin et il était déjà préétiqueté. Je suis très en colère aujourd'hui quand je vois où ça nous a mené, l'argent dépensé et ne pas comprendre les souffrances de mon fils. Notre histoire se termine bien (et continue bien) parce qu'un jour, j'ai rencontré celui qui a pris le temps d'examiner mon fils d'un peu plus près (en l'occurrence un ophtalmo). Cela a pu se faire aussi grâce à notre nouveau médecin de famille qui a tout de suite fait le lien entre les problèmes moteurs et de vision. Un suivi médical sérieux a résolu la question et continue à se résoudre. Que de temps perdu à cause du pouvoir trop important accordé à des gens comme le personnel de garderie... Et en plus, nous les parents, on n'était pas écouté.

Anonyme

Je crois que le "tsunami" de diagnostique a plusieurs composantes. Oui, il est possible que dans un environnement pollué comme le notre, le développement neuronal soit affecté. Reste que les "normes comparatives" ont aussi explosées ces dernières décennies. On pense "normalisé", on travaille "normalisé" et on se diverti "normalisé". Alors dès qu'un enfant "déroge" de la norme, il "demande" de l'adaptation et c'est là que notre beau "système normalisé" plante. Et comme tout doit aller vite, qu'on a plus le temps de prendre le temps pour rien n'y personne, un enfant qui ne se développe pas "by the book" pose problème pour la garderie, pour l'école, pour les sorties, etc. Comme si "le diagnostique" était une espèce de "seconde chance" pour ne pas se faire éjecter du système. Faut essayer d'obtenir de l'aide et des services sans "diagnostique"! Bonne chance... Essayer d'obtenir un peu plus de patience et de compréhension dans une société qui ne veut qu'aller vite vite vite à une seule place? Je crois que c'est rendu impossible sans une étiquette.

Je crois que le diagnostique est rendu nécessaire pour tout ce qui ne touche pas au noyau familial. Pas pour "l'étiquette", juste pour avoir la "permission" de demander un peu d'adaptation. Mais pour la famille, je suis de celle qui croit que si ça aide à comprendre que notre enfant n'évoluera pas "by the book", faut surtout pas que ça serve d'excuse pour l'aider à se dépasser et nous aussi, se surpasser pour lui permettre d'exploiter le maximum de son potentiel.

Fofie.

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