samedi 11 décembre 2010

Ces enfants oubliés

Si on revient, disons 50 ans en arrière, le diagnostic de trouble envahissant du développement, plus précisément l'autisme et l'asperger à cette époque était relativement rare.

Avec les années, les spécialistes ont compris que plusieurs enfants avec des problèmes de développement handicapant avaient passé dans les "mailles du filet".  À cette époque pour avoir un diagnostic, il fallait correspondre à des critères très précis.  On y retrouvait vraiment l'autisme classique (kanner) et l'asperger typique tel que décrit dans les livres et décrit à l'époque par Hans Asperger.

Il y avait finalement dans la population des personnes ne correspondant pas tout à fait à la description précise de l'époque, mais qui était suffisament "envahi" pour nécessiter de l'aide et un diagnostic.

Les mailles du filet se sont resserés, les critères se sont élargis et sont moins sévères.

On a vu un changement dans le nombre de diagnostic, passant à 1 sur 1000, 1 sur 250, 1 sur 150 et 1 sur 90 dans certaines régions du globe (principalement les états-unis).

Les critères sont de moins en moins sévères, les cas diagnostiqués sont de plus en plus subtils, assez pour dire qu'aujourd'hui il y a dans la population plusieurs adultes d'un certain âge, qui ont eu une belle vie, un relativement bon développement, une bonne carrière et se sont toujours débrouillés avec leurs petites particularités, qui aujourd'hui s'ils étaient enfants ils obtiendraient un diagnostic TED.

L'élargissement des critères fut nécessaire pour plusieurs raisons. Aider ces personnes qui ne cadraient pas totalement dans les critères de l'époque mais pour qui c'était tout de même suffisamment envahissant et handicapant. L'élargissement était aussi nécessaire pour notre société qui nécessite de plus en plus la conformité.  Les enfants qui doivent tous se développer au même rythme, performer, ne pas trop déranger. ...

Toutefois nous sommes à une époque où les choses devront changer. Les mailles du filet se sont vraisemblablement TROP resserée. Il en résulte un débordement, réduisant la qualité des services offerts aux TED.

Qualité? Pas en terme d'intervention mais en terme de disponibilité.

Les choses devront changer parce que des enfants réellement handicapés paient malgré eux avec des délais d'attente impossible.

Les choses devront changer, parce que le diagnostic TED est trop populaire et les "spécialistes" ont oublié qu'il existe une tonne d'autres troubles qui peuvent s'y apparenté. Diagnostiquant parfois un peu trop rapidement un TED chez un enfant qui aurait un tout autre trouble.

Les choses devront changer, parce que dans l'élargissement des critères, les spécialistes ont oubliés de traiter de ces fameux cas subtils!

Vous savez, ces cas qui aujourd'hui obtiennent un diagnostic, et pourtant quand les parents cherchent de l'information, cherchent à comprendre leur enfant, ils ne trouvent pas de  réponse acceptable. Ils trouvent toujours des demi-réponses.

La littérature, tout ce qu'on trouve sur Internet, les formations disponibles aux parents, les méthodes d'interventions sont restées, elles, basées sur les cas "typiques".  Les cas qui se rapprochent le plus possible du cas classique.

Toutefois que fait-on avec ces enfants dans les zones grises? Dont le fonctionnement ne semble pas être totalement "normal", ni totalement TED.


Vous saviez bien, l'enfant qui fait du flapping, qui a un retard sévère de langage, mais a un contact visuel presque parfait.

Voyons, ça ne cadre pas dans les critères.

Ou bien l'enfant qui a une bonne attention conjointe, qui n'est pas dans sa bulle, qui est intéressé par l'adulte.

Ou l'enfant qui semble avoir développé un jeu symbolique acceptable.


Elle est où la littérature, l'aide réelle pour ces enfants? Parce que présentement, ces enfants reçoivent de l'aide de services qui sont montés pour les enfants typiquement TED.  Les services, oui, sont adaptés selon l'enfant et oui ils peuvent être grandement utiles, mais ils n'arrivent pas à répondre aux questions des parents, à démêler le TED du NON-TED dans le fonctionnement de l'enfant. On les catégorise avec le TED typique (avec la superbe nouvelle appellation TSA), rendant certains parents insécures, en guerre même parfois pour démontrer le pourquoi leur enfant a un diagnostic.

Parce que les parents ont une tonne de questions sans réponses. Une heure, ils retrouvent leur enfant sans problème dans le TED, et l'heure suivante ils doutent d'eux-mêmes. Pourquoi mon enfant a un TED et pourtant il a un bon jeu symbolique?  Pourquoi il a des difficultés d'interraction mais a un contact visuel qui semble parfait?

Ces parents se font requestionner, spécialistes divers, écoles, intervenants, familles, étrangers... et ils ont de la difficulté à répondre eux-mêmes à ces questionnements.

On a élargi les critères, mais on a oublié le plus important et c'est l'information, la compréhension de ces nouveaux cas.

9 commentaires:

Anonyme

Il y a même trente ans on ne diagnostiquait pas encore beaucoup l'Autisme si c'était un peu subtil. Et le syndrome d'asperger a fait son entrée en 1993 seulement dans le DSM.On croit que le syndrome est rare mais je suppose que d'ici 20 ans ça le sera moins (quoique d'ici là peut-être que ça ne sera plus un diagnostic!!) Le resserrement des critères a surement contribué au mythe de l'épidémie de l'autisme.

Anonyme

Plus ou moins en accord avec ce que tu dis par rapport au lien entre les critères de diagnostic et les services offerts... Mon fils est asperger et on ne le bombarde pas de services... c'est du cas par cas, selon les besoins réels de l'enfant. De plus, pour ma part, je reçois d'excellents conseils pour m'aider dans l'éducation de fiston, par toutes sortes de biais: sa psychologue spécialisée, le pédopsychiatre, les sites internet spécialisés, les forums de parents, etc.

Chaque enfant est unique, ted, autiste, aspi ou autre! Et il ne faut pas oublier qu'un diagnostic est une PHOTO et non une condamnation: un enfant peu évoluer et développer ses habiletés sociales et autres au point où il n'y a plus vraiment d'handicap, malgré le fait que son cerveau restera toujours fondamentalement différent de celui des neurotypiques. C'est la beauté de la diversité dans la nature : )

Annie

est-ce qu'on parle d'un cas typique asperger? parce que si c'est le cas ce n'est pas ce dont je traite mais les les cas "entre-deux" ;)

Anonyme

Un cas que je qualifierais de non typique: très enjoué, bon sens de l'humour, regard direct, jeu symbolique de plus en plus présent... mais une "cécité sociale" bien réelle qui lui crée obstacle dans ses relations avec les autres, de même que quelques stéréotypies, alignement d'objets,rigidités etc.

Anonyme

ah oui, j'oubliais: hypersensibilité sensorielle très marquée ; )

Anonyme

Pour diminuer les délais d'attente, la solution n'est pas de resserrer les critères de diagnostic (ce qui ressemblerait à ne plus arrêter les criminels, car les prisons sont pleines...), mais plutôt à agir en conformité avec la loi 21 qui permet, depuis 2009, aux psychologues spécialisés en autisme de poser des diagnostics.

Présentement, les commissions scolaires ne tiennent pas compte de cette loi. Nous sommes le seul endroit en Amérique du Nord où il en est ainsi, ce qui explique les longs délais... Les psychologues SPÉCIAlISTES (et non tous les psy) sont parfaitement compétents pour poser des diagnostics différentiels (même les pédopsychiatres à qui j'ai parlé sont d'accord pour dire qu'ils ne font rien de plus que ce qu'une psy peut faire...)

Il semble que c'est parce que les Commissions scolaires n'ont pas suffisamment d'argent pour combler tous les besoins qu'elles créent volontairement un délai d'attente en exigeant que le diagnostic soit posé par des pédopsy (lesquels ne sont pas si nombreux que ça et ne répondent donc pas à la demande...)


Pour ce qui est du "mythe de l'épidémie", des chercheurs de l'UQAM m'ont affirmé qu'il ne s'agit pas d'un mythe, mais que des causes environnementales (l'alimentation, le stress de la mère pendant la grossesse, les poluants, etc.) semblent jouer un rôle. On ne peut nier que les facteurs de stress (physiques et psychologiques) sont beaucoup plus nombreux qu'il y a 100 ans...

Anonyme

Pardon, mais je ne pense pas que les spécialistes diagnostiquent des TED à tort et à travers... Tous ceux que j'ai rencontré (et j'en ai rencontré plusieurs) envisageaient toujours toutes les possibilités : TDAH, Trouble du comportement, Gilles de la Tourette, TOC, etc.

Ils sont formés pour faire des diagnostics différentiels et pour avoir un diagnostic de TED il faut absolument que ces 3 sphères soient touchées, et cela de façon singnificative (assez pour entraver le fonctionnement): la communication, les habiletés sociales et les intérêts limités.

Je pense qu'un diagnostic est une bonne chose pour l'enfant, même si son TED est très léger, car cela enlève une grosse pression sur les parents. Ceux-ci peuvent arrêter d'angoisser et de se culpabiliser et sont donc plus patients et plus compréhensifs envers leur petit coeur... Les services (thérapies et autres) ne sont pas toujours nécessaires, mais de comprendre mieux pourquoi l'enfant agit de telle façon, ça permet de mieux intervenir et ça donne une enfance moins difficile à ces trésors : )

Annie

Ah ça il est certain qu'il y a des causes environnemental etc.. etc... d'ailleurs l'augmentation des cas n'est pas seulement dû au resserement des critères ça on le sait tous.

Le sujet n'est pas de dire qu'ils ne doivent pas diagnostiquer les cas d'aujourd'hui ;)

C'était que la littérature sur ces cas plus limites est moins disponible. Partout on parle toujours des cas évidents, des parents qui cherchent de l'information sur un TED plus limite ils ont de la difficultés à trouver des réponses satisfaisantes. On ne leur explique pas les subtilités de leur enfant pourquoi il cadre "à moitié" dans le TED. Oui on trouve des trucs et les interventions tel que j'ai mentionné sont ajustées à ces enfants et ils en bénificient ça jamais je ne dirais le contraire. Mais il manque de l'information... si on veut l'expliquer à n'importe qui on trouve peu d'information sur le sujet, on tombe dans le "les spécialistes qui cherchent des problèmes inutilement" et c'est dur pour les parents qui ont ces enfants un peu spéciaux mais pas tout à fait typiquement TED.

Quand je parlais de changement c'est un fait, oui il y a des équipes vraiment GÉNIALE, et il y en ont des moins bonnes dans les diagnostics TED, certains coupent les coins ronds et ne font pas tous les tests nécessaires malheureusement.

C'est là qu'on se retrouve avec de faux diagnostic. Et par exemple une personne m'a montré un document de ste-justine et 30% des TED-NS diagnostiqués avant 2 ans perdent leur diagnostic par la suite.

Les spécialistes sont humains et oui ils peuvent se tromper ;)

Anonyme

Ici, on a justement un cas complexe qui ne répond à aucune approche pour les TED, dont personne n'arrive à nous expliquer son "autisme" de manière satisfaisante et où il faut faire le contraire des conseils donnés pour ne pas empirer la situation.

Ce que Tommyloup décrit, c'est exactement notre parcours, notre quotidien. Les services qu'on nous aurait offerts, ou qu'on nous offre, ne sont pas bons.

Les services dont nous avons vraiment besoin sont maintenant inaccessibles, gratuitement, avec le dx TED...

Si vous, vous avez rencontrez de bonnes équipes avec de bons spécialistes, tant mieux pour vous. Mais il ne faut surtout pas croire que c'est généralisé à la grandeur de la province.

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