Être autiste c'est...
En dehors des témoignages des personnes TED elles-mêmes, rare peut-on vraiment comprendre ce qu'est ÊTRE autiste.
La littérature, l'information qui circule sur les troubles envahissants du développement, est très orientée vers ce qu'on peut voir de l'extérieur... et basée sur NOTRE perception, nous, neurotypique, du trouble.
Les avancées des dernières années nous ont prouvé à quel point on a été "dans le champ" pas à peu près sur la compréhension réelle de l'autisme. Je pense à cette époque où on les qualifiait tous de déficients intellectuel, bon à placer dans un institut psychiatrique.
Quand on voit où nous en sommes aujourd'hui, ça fait de la peine de penser à cette époque. Pourtant, j'ai encore un peu de peine, parce que malgré les avancées... il y a encore une grande incompréhension face au trouble envahissant du développement et les interprétations neurotypique qu'on en fait ne sont pas toujours bonnes.
Premièrement je vous recommande d'écouter ou réécouter (en anglais) les vidéos suivant :
http://www.youtube.com/watch?v=a1uPf5O-on0
http://www.dailymotion.com/video/xx7ch_60-minutes-on-autism_people
Une des choses qu'on entend souvent par rapport au TED c'est "il ne comprend pas". Je le fais encore moi-même parfois, pour finalement réaliser que ce n'est pas "nos mots" qu'il ne comprennent pas, mais plutôt le pourquoi, le quoi faire, et même qu'ils peuvent être limité dans le "faire" tout court pour de multiples raisons.
Lorsqu'on intervient avec une personne atteinte de TED, il faut être devin, analyste, observateur et surtout patient.
C'est plus facile avec un enfant moins atteint qui peut parler, parce qu'on peut plus rapidement cibler le "problème"... mais de l'autre coté comme j'ai déjà expliqué ICI, c'est facile d'oublier d'intervenir en fonction du TED parce que ça ne parait pas assez...
On fait réellement notre possible pour comprendre et intervenir adéquatement, mais malheureusement on fait des erreurs d'incompréhension, et l'enfant TED lui-même ne peut pas nous aider à nous corriger, pire chez un enfant plus atteint.
Comme vous avez pu (si vous avez visionné les vidéos) voir plus haut dans les vidéos, on a deux personnes TED, qui étaient vu comme déficients. Ils sont non-verbaux et s'autostimule, s'automutile, font des crises incroyables... Pour les intervenants c'était évident qu'ils étaient déficients. Le premier vidéo, celui de la jeune fille nous montre aussi des problèmes d'interprétation. Par exemple, ils essayaient au maximum de contenir certaines crises de la jeune fille, qui étaient pour eux un trouble de comportement.... sans comprendre le pourquoi de ses crises. La jeune fille, un jour, a pu expliquer, par écrit, ce qu'elle vivait réellement lors de ses crises... et c'est là qu'on voit à quel point être un TED non-verbal, prisionnier dans sa TED à tout voir mais ne pas pouvoir s'exprimer, c'est difficile.
On pourrait donner l'exemple de la personne muette. Mais la personne muette a la chance de pouvoir interragir avec nous de la bonne façon, parce qu'en dehors de la parole, les autres sens fonctionnent correctement. La personne muette pourra tout de même vous dire comment ça été frustrant l'époque où elle ne pouvait pas communiquer par le langage des signes pour se faire comprendre. La frustration de voir les gens essayer de comprendre et parfois mal interpréter le besoin.
Pour un enfant comme Tommy c'est encore pire. Il ne peut pas s'exprimer verbalement comme les autres. Il a appris des phrases plaquées oui mais il est encore limité dans sa capacité à communiquer. Pas simplement par volonté mais par l'atteinte de son autisme. Sa capacité à communiquer est limitée, autant que sa compréhension de son "pouvoir" l'est.
Un muet peut ne pas être capable de parler, mais il SAIT qu'il PEUT, qu'il a le pouvoir de communiquer un besoin d'une façon ou d'une autre. Il sait qu'il peut dire non, refuser un repas, un jeu, il sait qu'il peut s'opposer.
C'est une particularité spéciale que je vois avec mes enfants. Ils ne "savent" ou peut-être qu'ils ne savent "pas comment" (là c'est mon interprétation neurotypique) qu'ils peuvent demander, refuser des choses. Par exemple, Tommy sait demander à boire à la maison, par contre, en sortie, sans "rappel visuel", il ne saura pas demander même si il a extrêmement soif. Il n'aura pas le visuel, un verre, une cruche de jus, un frigidaire, près de lui pour lui "rappeler" qu'il peut demander à boire. Il est pris dans sa tête à l'étape de la soif et il ne peut pas aller plus loin. Il ne peut même pas vivre la frustration du muet, parce qu'il ne "sait" pas réellement qu'il aurait le pouvoir de demander.
Par exemple, je vois la jeune cocotte, très verbale, qui pourtant, lors de ses séances de ICI, ne sait pas dire qu'elle est tannée, qu'elle voudrait faire autre chose. Elle n'est probablement même pas consciente de ce pouvoir qu'elle aurait. On va plutôt la voir se disperser, perdre son attention, la voir répondre des "niaiseries" plutôt que de répondre adéquatement à la demande... Il faut nous-même alors comprendre que c'est parce que ça ne lui tente pas, parce que malgré qu'elle soit près de ses 4 ans, ce n'est pas quelque chose qu'elle arrive à nous dire d'elle-même, probablement parce qu'on ne lui a pas "enseigné" quelque chose qui devrait être tout ce qu'il y a de plus inné, le pouvoir de refuser, demander... s'affirmer...
Certains me diront qu'elle sait refuser une sorte de verre, une sorte de jus, un légume dans son assiette... oui elle le sait parce qu'on lui a montré à choisir, elle a appris qu'elle avait du pouvoir dans ces contextes précis mais la généralisation dans les événements de tous les jours n'est pas faite.
La semaine dernière Tommy avait sa supervision avec le CRDI... et j'ai eu droit à un bel exemple de mauvaise interprétation, très involontaire croyez-le plusieurs feraient les mêmes erreurs, des intervenants. Habituellement, à la garderie, Tommy a une période de stimulation en après-midi pendant la sieste des enfants. Lorsque les enfants se lèvent, le travail à la table se termine pour qu'il puisse rejoindre le groupe et prendre la collation avec les amis, pour ensuite aller jouer dehors.
Depuis le début de la supervision Tommy fonctionnait quand même bien, on avait son attention et tout ce qu'il faut pour bien "travailler" jusqu'à un certain moment...
Le moment où les amis se sont levé de la sieste. On a vu un Tommy qui n'était plus attentif, qui n'écoutait plus les consignes, qui était dans la lune avec un contact visuel complètement perdu dans sa tête. Il n'était plus là.
Une des intervenantes me dit "ah c'est parce qu'il n'est pas assis sur la même chaise, habituellement je le mets dos à la fenêtre pour ne pas qu'il soit dérangé par le vent". Les intervenantes agissent donc, dans le meilleur de leur connaissance et dans leur interprétation qu'elles font de la situation, en fonction des stimulis extérieurs. On pense alors que c'est la fenêtre le problème, on le met dos à la fenêtre, on place les mains devant le visage pour l'aider à se concentrer... on se dira même que c'est parce qu'il commence à être fatigué.
Moi je suis là, en retrait à observer la scène qui pourtant, en tant que maman de ce petit garçon depuis presque 5 ans, avec mes capacités d'analyse propre à moi, et mes connaissances... et je comprends tout à fait ce qui se passe. Pour moi c'était clair.
Tommy, les yeux partis dans sa tête, l'oreille tournée vers la porte du local d'où provenaient les sons des enfants, n'était plus avec nous parce qu'il se passait un travail interne incroyable. Il y avait un bris de routine, du connu, pour Tommy c'était donc psychologiquement demandant et ça demandait toute sa tête pour qu'il puisse analyser, comprendre ce qui se passait réellement. Il n'était pas avec les amis à la collation, ça ne marche pas.
Mais pendant ce temps on continue de lui parler, de lui faire des demandes, se disant qu'il est seulement distrait, fatigué... Tommy pendant ce temps, il est pris à l'intérieur de lui et il n'arrive juste pas à bien absorber l'information inhabituelle qui entre.
L'enfant normal, aurait pu très bien dire "mais c'est l'heure de ma collation, je veux rejoindre les amis". Mes enfants ne peuvent pas le faire, ils ne "savent" pas le faire, mais croyez-moi, après avoir visionné les vidéos, même si ils ne savent pas le faire, ça ne veut pas dire que ça ne les atteints pas d'une certaine façon quand même. Tommy était clairement mal dans la situation et lorsqu'on a ouvert la porte du local il s'est empressé d'aller chercher sa collation et me demander par la suite "je veux aller en bas" parce que les amis se préparaient à aller dehors.
Je pourrais continuer, en vous racontant l'événement de ce matin. Une petite cocotte qui se préparait à s'habiller (toujours autant dispersée en le faisant!!). Elle n'était pas habillé du tout, avait seulement enlevé son chandail, que son éducatrice lui a demandé un choix. "Est-ce que tu veux jouer en haut ce matin ou bien en bas?". Une question toute simple qui a mené une cocotte en larmes. Pour nous ça peut être simple. On répond à la question et on fini de s'habiller pour faire la suite des choses. Pour une cocotte comme la minie, ce n'est pas aussi simple. On a SAUTÉ litérallement une étape, causé un "bug" temporaire dans sa tête. On me demande d'aller jouer en haut ou en bas, mais je ne suis pas encore habillé. BRIS de séquence. L'angoisse monte, les larmes prennent la place... parce que la cocotte ne sait pas qu'elle a le POUVOIR de dire qu'elle doit s'habiller avant.
Si avoir un enfant autiste ce n'est pas facile, je vous laisse imaginer à quel point ÊTRE autiste ne l'est pas plus.
1 commentaires:
Paradoxalement, c'est que qui m'a fait le plus résister à admettre le diagnostique de ma cocotte. Peut-être pcq je ne suis pas exactement neurotypique moi-même et que j'ai donc du faire des efforts pour comprendre ou simplement trouver du sens à ce que personne ne remettait en question. Alors c'était juste normal d'avoir à TOUT apprendre à ma princesse. Je me vois encore répliquer à la neuropsy qui disait que ma fille ne faisait pas telle ou telle chose :"Ben, c'est juste normal, on ne le lui a jamais montré!".
Des fois, j'ai l'impression de programmer ma fille, comme on programme un ordinateur... Et ce qui est assez, disons, "intéressant" dans ce processus, c'est d'en venir à se demander si c'est vraiment pertinent de lui montrer certaines choses qui ne relèvent que de conventions sociales. Comme jouer avec des amis... Pourquoi je lui montrerais à jouer avec les autres enfants, si, au départ, elle n'aime pas ça, et surtout si, en regard de la société dans laquelle on vit, le contact avec autrui est de plus en plus source de négatif que de positif...
C'est certain que je n'en suis pas, comme toi, à devoir apprendre, appelons-les les "essentiels de survie" comme demander à boire (ça, j'avoue que ça ne se remet pas trop en question!). Mais ça ressemble à de la programmation quand même...
Tu t'inscrits au bac en informatique avec moi?
;)
Fofie
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