mardi 7 février 2017

Quand on est en pleine crise d'identité... (une grande qui grandit) - Partie 2

Tout le monde s'est toujours entendu pour dire que chaque personne est unique.

Bien que j'en ai régulièrement parlé, lorsqu'on tente d'expliquer l'autisme, sous ses multiples formes, à des gens qui ne le vivent pas au quotidien, j'ai toujours eu cette impression qu'on oublie... que chaque personne est unique.

On peut commencer seulement en observant les méthodes diagnostic des différents "troubles" qui se passent au niveau du cerveau pour se rendre compte qu'on les mets pas mal tous dans le même panier sous des fins d'identification. Pourtant, il a été prouvé que les critères, en partant, ont été basé principalement sur l'observation de garçons. Donc, on est déjà mal parti lorsqu'on est une fille. Mais encore, on croit encore un peu trop à l'autiste dans sa bulle qui ne peut pas parler comme "tout le monde" et qui a "pas l'air normal".
Ensuite, lorsqu'on lit, on qu'on écoute différentes sources tentant d'expliquer à monsieur madame tout le monde qu'est-ce que l'autisme on entend les débuts de phrases : LES AUTISTES SONT....

Bon, j'avoue qu'avec un enfant comme Tommy, probablement que ça ne me dérangerait pas tant que ça, puisque nous ne devons pas à tout prix lui expliquer pourquoi il a de la difficulté avec le monde qui l'entoure. Cependant, c'est tout à fait différent lorsqu'on arrive dans ce qu'on appelle l'autisme de haut-niveau ou TSA léger si on préfère. Dans le temps on parlait de TED-NS. Pour ceux qui ne connaissent pas, c'était la catégorie des troubles envahissants du développement non-spécifié. Soit, ceux qu'on ne savaient pas dans quel panier mettre. On peut dire que ça avait un certain avantage de pouvoir expliquer à l'enfant qu'il est "pas dans la norme" des "hors-normes".  Maintenant, on est tous TSA. Du déficient intellectuel qui ne parlera jamais à celui qui a l'air "pas mal comme tout le monde".

Quand ils sont enfants, c'est nous, les parents, qui se cassons la tête avec toutes ces lettres et ces termes un peu complexes. On essaie (parfois, pas trop souvent) de l'expliquer à ceux qui veulent bien essayer de comprendre mais on reste un peu perdu là-dedans si on a pas un TSA "dans la norme des TSA".  C'est-à-dire, qu'on a un enfant qui ne cadre ni dans ce qu'on essaie de faire croire à la normalité, ni totalement dans le TSA selon les stéréotypes bien véhiculés au fil des ans. Mais, un jour, notre enfant va grandir et il va comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche! Mais encore, il pourrait croire que ce sont les autres qui ne sont pas très bien et non eux.

Vient alors ce jour où on doit penser à expliquer l'autisme à notre enfant lorsqu'on le croit prêt, ce qui varie selon l'âge, mais chez nous la conversation a plutôt commencé vers 10 ans. Mais encore, à 10 ans, on est encore enfant, donc, on s'en sort pas si mal.  Alors, on essaie de prendre des traits de caractères "supposément autiste" et on essaie d'expliquer le pourquoi du comment.  Bref, pourquoi il a de la difficulté à se faire des amis, ou qu'il angoisse lors des changements imprévus, ou pourquoi il ne comprend pas bien les émotions etc...

Mais, un jour ou l'autre, alors qu'on a peut-être pensé qu'il avait bien compris, l'enfant continu de grandir et entrer par le fait même dans le merveilleux ou plutôt épuisant monde de l'adolescence.

Épuisant, parce qu'ils sont un peu tannés qu'on leur dise quoi faire, parce que les frères et soeurs sont rendus un peu trop tannants et dans leurs jambes, parce qu'ils veulent juste la sainte paix... et surtout en faire le moins possible. Et... ils entrent ainsi en plein dans leur crise d'identité, celle où ils poursuivent leur chemin vers leur "MOI" unique.

C'est déjà difficile être un ADO, point. Quand on ajoute trois lettres un peu floues, ça vient un peu plus compliqué. Ado, on veut s'identifier. Heureusement, habituellement on s'en sort pas si mal entre notre vedette préférée et nos meilleures amies qui trippent sur les mêmes vêtements que nous et les mêmes chanteurs. Si on pitch notre ado qui se cherche dans un tribu sauvage, ça se peut qu'il se perde un peu! Donc, si j'explique l'adolescence de notre TSA qui évidemment est aussi un être unique, la tribu sauvage, c'est l'école. Parce que finalement, elle se rend compte, du haut de ses 12 ans, qu'elle n'y comprend absolument rien en ce qui concerne les jeunes de son âge. Je ne pourrais pas dire qu'elle est en crise d'identité, mais logiquement, c'est ce que l'âge devrait apporter, mais dans son cas, on a compris qu'elle est plutôt en crise du POURQUOI. Et des pourquoi il y en a plus qu'on croyait!  À défaut de pouvoir s'identifier à quelqu'un de la tribu, elle observe et essaie de comprendre tout ce qui l'entoure, les agissements des jeunes de son âge, les bonnes façons de se comporter, pourquoi certaines conséquences, dealer avec l'angoisse lorsque les enseignants doivent punir les élèves car ils n'ont pas bien écouté alors que pour elle, c'est tellement simple. Il y a des règles. On les respecte. Point.

Mais ça, on ne l'avait pas nécessairement compris. Parce que là où quand elle était petite elle vivait son angoisse clairement et précisément, pleurs, crises, tremblements, maux de ventre, vomissements etc... maintenant, elle garde tout en dedans, parce qu'elle n'est même pas certaine qu'on peut avoir une réponse pour elle ou qu'on va comprendre tous ses questionnements. Finalement, à tous les jours, elle partait dans la jungle sans demander de l'aide ou même juste une forme de traducteur pour passer à travers ses journées, et c'est seulement par hasard qu'on a pu comprendre la détresse qu'elle vivait en silence. Sans tarder, l'école a mis en place des rencontres avec la TES... pour tenter de l'aider dans ses multiples questions sur le monde qui l'entoure qu'elle ne comprend vraiment. Et c'est là qu'on a réalisé qu'elle avait probablement toujours autant d'angoisse qu'avant, et vraiment beaucoup de questions. Mais, comme tout adolescent qui se respecte, ma plus grande inquiétude dans cette aventure, c'est de savoir qu'elle préférait garder le silence et que ce silence cachait bien des choses, malgré son sourire, entre sa bonne humeur et ses humeurs d'ado. Donc, je me demande, maintenant qu'elle est en âge de faire son bout de chemin, comment peut-on l'accompagner dans tout ça sans en échapper sur la route? Suite à une discussion avec l'école, on va retenter de lui expliquer un peu ce que les trois lettres ont comme impact dans son quotidien et dans sa façon de voir le monde. Mais honnêtement, il y a une grosse différence entre expliquer le TSA à monsieur madame tout le monde, parce qu'on est capable de décrire un chat à quelqu'un qui n'en a pas connu. Mais, est-ce qu'on peut vraiment expliquer au chat lui-même ce qu'il est? Alors, comment maintenant on arrive à bien expliquer son TSA alors qu'au fond, c'est dans sa tête que ça se passe et c'est elle qui le vit?

lundi 6 février 2017

Il était une fois... (une grande... qui grandit) - Partie 1

Il était une fois, une grande mystérieuse, comme j'ai aimé si longtemps l'appeler.  Cette grande mystérieuse étant notre premier enfant, nous semblait "pas mal comme les autres" si ce n'est de ces petites particularités qui nous paraissaient seulement passagères et sans soucis.  Elle a parlé un peu plus tard que les autres, elle avait des "peurs" un peu particulières, rien dont le temps ne se chargerait pas, et elle avait des difficultés à jouer avec les autres enfants, et même.... avec ses jouets. De l'autre côté, malgré qu'elle ait pris un peu son temps pour parler, par la suite, elle parlait très bien et savait tout son alphabet à 3 ans, et même écrire son nom à 3 ans et demi.

Pourtant, un jour ou l'autre, notre enfant grandit et on rencontre d'autres enfants du même âge. Là, on se demande un peu où on l'a échappé, parce que ce qu'on croyait que le temps ferait son oeuvre persistait, la difficulté d'être en contact avec d'autres enfants, les peurs particulières qui ne s'atténuaient pas, le tempérament "pas toujours là" et "dans son petit monde". On a donc essayé, l'intégration sociale avec la garderie, et on a fini par se faire recommander de consulter un professionnel.  De l'autre côté, je croyais qu'elle était peut-être seulement lunatique et hyperactive... mais mes échanges avec d'autres parents d'enfants plus vieux nous avaient finalement amené vers d'autres pistes.

Il est facile de parler d'un type d'autisme. Du moins, chez nous c'est comme ça. Fort probablement puisque le frère de notre grande mystérieuse a eu un diagnostic d'autisme dans sa forme plutôt "classique" dans les mêmes temps où on a commencé à se questionner sur elle. Donc, l'autisme, pour plusieurs encore et pour nous à ce moment de notre parcours, c'était Tommy. Un enfant non-verbal qui faisait des crises et qui s'autostimulait toute la journée à faire tourner des objets. Alors, c'est facile pour les gens autour de comprendre. Il n'y a pas de doutes.

Mais, parler de l'autre type d'autisme. Celui qui se cache, sous des crises qui paraissent passagères ou enfantines. Celui qui se cache sous l'apparence de timidité, ou de manque de stimulation parentale (pourquoi pas!). En fait, celui qui n'est ni noir, ni blanc. Et même, dans le gris, il y a tellement de teintes qu'on se sent plutôt perdus. Cet autisme qui se cache sous l'anxiété d'un enfant qui a de la difficulté à décoder son monde, mais qui passe inaperçu par la force de son caractère et de par son intelligence et son bon parler.

Ça, c'est notre grande. Pour qui les trois lettres TSA (TED à l'époque), ont toujours été difficiles à prononcer. Non de par un manque d'acceptation de la situation, mais plutôt par un manque de compréhension généralisée de ce que ces trois lettres peuvent signifier chez une enfant plutôt autonome, et fonctionnelle. Qu'est-ce que ça peut changer qu'elle ait de la difficulté à se faire des ami(e)s et même à savoir comment "jouer" avec eux à l'aube de ses 5-6 ans si elle sait très bien parler, lire et écrire.

C'est un peu ça qui se produit avec ces trois lettres lorsqu'elles se cachent si bien.

Malgré bien des démarches, nous avons dû attendre à 7 ans et demi pour qu'une fois pour toutes, non sans 6 mois de débats et de torture, avec l'aide précieuse de l'école, un professionnel appose ses lettres encore difficiles à prononcer, puisqu'au moment de les apposer, il a écrit "pourrait disparaître en vieillissant" (oui! oui! ce n'est pas une blague).

C'est ainsi que le TSA file avec le temps sans qu'on y porte trop attention. Même si on le sait qu'il est présent, qu'il laisse sa trace au quotidien, c'est trop dans les tons de gris pour qu'on arrive à se reconnaître vraiment et à s'y identifier. Et pourtant... même si on sait...

Les années avec notre grande ont été un peu comme des montagnes russes. On s'est senti coupables, on s'est fait renvoyé chez nous, on a attendu "que ça passe" comme on s'est fait si "peu gentiment" dire... On a réessayé d'avoir d'autres réponses pour se faire dire que c'était trop compliqué, pour continuer de naviguer des eaux incertaines... avec la petite voix qui savait qu'on n'était pas dans l'erreur, mais personne ne prenait le temps de vraiment écouter.  Et... une fois le diagnostic reçu, on a eu de l'aide, des moments où "ça parait plus" et d'autres où "ça parait moins".

Le TSA on ne l'a pas oublié, mais maintenant qu'elle a grandit, on pourrait dire qu'il se cache encore mieux. C'est là qu'on voit la différence, entre le TSA enfant, qui se cache sous les crises qu'on croient "normales" et passagères, et le TSA adolescent, qui se cache. Point. Parce que maintenant, bien qu'il se cache toujours sous l'autonomie d'une grande adolescente, il se cache aussi sous les méthodes de compensation qu'elle a accumulées au fil du temps. Certaines qu'on lui a enseignées, d'autres qu'elle apprend par elle-même. Et pourtant, c'est là, encore plus qu'avant, qu'elle a vraiment besoin de nous et c'est à peine si on vient d'en prendre conscience.

À suivre... 



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