jeudi 12 janvier 2012

Les différentes formes du déni

Je me souviens pas si j'ai abordé ici le sujet  du deuil de l'enfant "rêvé" ?

Partout sur Internet nous lisions en fait "le deuil de l'enfant parfait". De quoi faire sursauter plusieurs parents et personnes TED elles-mêmes. 

L'enfant rêvé c'est celui pour qui tous les espoirs sont permis, celui qu'on imagine devenir docteur, ingénieur...   L'enfant avec qui on se voit passer des heures à discuter de tout et de rien, ou même avec qui on s'imagine pratiquer des sports "père-fils", des activités "mère-fille".

Avec le diagnostic, vient le "deuil", non pas de l'enfant lui-même, mais plutôt des rêves. Tout ce que nous avions imaginé pour lui, le rêve se fait briser en milles morceaux et soudainement pour plusieurs parents, on peut en venir à croire qu'il n'y a plus d'espoir.

Chaque parent, par son vécu, par sa personnalité, vivra ce deuil d'une façon différente. Et ce deuil, avec un enfant différent, n'est pas simple, parce qu'on ne passe pas à travers toutes les étapes dans l'ordre... le deuil ne se fait jamais vraiment totalement, parce que les événements peuvent nous faire passer de l'acceptation, au déni d'une nouvelle situation, au désespoir...

Les étapes du deuil sont bien décrites ici sur le site de la fédération de l'autisme. 

Toutefois, c'est plus complexe.  Chaque personne vivant de façon différente le deuil, je suis venue à comprendre qu'il existe plusieurs façon de vivre chaque étape.

L'étape, dont je veux parler ici, c'est le déni.

Le déni est décrit comme-ci  : 

Tendance à nier la vérité, refus de croire au diagnostic. La négation est une façon de s’accorder un répit psychologique pour accepter ce qui apparaît temporairement comme inacceptable

À cette définition, j'aurais affirmé après le diagnostic de Tommy, que moi et mon conjoint avons sauté par dessus les deux premières étapes.  J'aurais affirmé à ce moment que mon conjoint n'avait pas de deuil à faire, ni de déni sur le handicap de fiston.

Mais qu'est-ce que le déni réellement? Parce que plus de trois ans plus tard, je réalise que le déni revêt plusieurs formes et personne ne nous en parle.

Non ça ne m'a pas pris trois ans pour le comprendre, mais à  tous les jours, je vois celui qui je croyais ne pas vivre de déni, vivre les phases ... à peu près dans l'ordre finalement...


Le choc n'aura pas duré longtemps chez nous, parce qu'au moment où les démarches ont été enclenchés, nous voyions bien qu'il y avait quelque chose qui clochait chez Tommy, et la grande à peu près dans les mêmes temps.

Pour Tommy, qui était encore très jeune, le choc n'y était pas vraiment, pour la grande, mon conjoint m'aura dit avoir eu le coeur brisé lorsque je lui ai dis que le docteur pensait qu'il y avait un petit quelque chose chez elle.  Moi, j'étais plutôt soulagée parce que j'étais dans une phase où j'avais (et j'ai encore) l'impression de perdre le  contrôle de ma fille. Je devais donc assurément être la coupable là-dedans.

Toutefois, pour mon conjoint, le déni que je croyais ne pas être là, était bien présent, non sous la forme que je croyais qui aurait été de refuser le diagnostic ou même de voir que Tommy avait des problèmes, mais plutôt qu'il vivait avec la pensée magique, qu'avec de l'aide, Tommy deviendrait à peu près "normal".

On peut appeler cela de l'espoir, mais c'est une forme de déni bien réelle, parce que le jour où on réalise que "comme par magie", fiston ne devient pas si "normal que ça", le monde s'écroule non pas une première  fois, mais une deuxième fois. 

C'est ce que j'ai vu ce produire, même si le principal concerné dira possiblement que je n'ai pas raison (déni du déni!).

Donc il y a environ un an, soit un an et quelques mois après le début du ICI, j'ai vu mon conjoint sortir de son déni/espoir pour atterir dans la phase de la colère. Ouf, je ne l'ai pas aimé cette phase croyez-moi! Parce que sortir de ce déni/espoir, ça peut faire très mal. On réalise soudainement qu'en plus de nos rêves écroulés de l'enfant "normal", nos rêves de l'enfant "différent" s'écroulent eux aussi temporairement.

Tommy progresse bien entendu, mais pas à la vitesse "rêvée" par tous les parents qui utilisent des services pour leur enfant.


Heureusement, aujourd'hui je peux dire que cette forme de déni est enfin passée.


Mais, la vie, et le temps, me fait découvrir, qu'il y  a encore plus complexe...

Il y a le déni que l'enfant à un problème.
Il y a le déni/espoir, celui où l'enfant "guérit" presque de son handicap.

et il y a la forme de déni que je commence à comprendre, le déni/étiquette.

Le déni/étiquette, c'est l'acception (donc pas un déni) que l'enfant à un problème. C'est comprendre par exemple que l'enfant a un trouble de langage, qu'il a un petit quelque chose qui va l'affecter dans son développement. 

Toutefois, c'est de refuser de mettre un nom, une étiquette sur le problème. C'est se dire que ça va passer (déni/espoir)... et que l'enfant a des particularités... bien à lui mais qu'il est juste "fait comme ça".

C'est un peu la pensée des gens qui se disent qu'aujourd'hui on étiquette tout le monde dès le moindre problème. C'est-à-dire que si vous prenez le temps de parler avec ces personnes, vous pourriez constater qu'ils sont ouverts et comprennent que l'enfant a quelque chose, mais ils vont vous répondre des "dans le temps... on avait pas besoin de mettre un nom sur tous les problèmes". 

Ils peuvent aussi croiser des gens dans leur vie, qu'ils trouvent "un peu spéciaux".... sans plus.

Le refus de comprendre l'étiquette et l'accepter ce n'est pas nécessairement une question d'être malveillant, c'est en quelque sorte à mon avis (bien personnel évidemment) une forme de déni.


Le problème avec cette particulière forme de déni, c'est quelle amène des difficultés à gérer la personne au prise avec les dites "particularités", "problèmes"  (n'oubliez pas, le déni/étiquette fait que ces personnes se refusent d'utiliser le vrai terme).

Ne pas vouloir sortir de ce déni, c'est s'empêcher d'avancer. S'empêcher de comprendre ce qui affecte l'enfant et de pouvoir l'aider adéquatement mais surtout d'avoir une meilleure relation et communication avec celle-ci. Parce que de ne pas vouloir travailler avec l'étiquette, cela donne donc des interventions inadaptées.

Le problème, c'est le futur. Qu'arrivera-t-il de la personne en déni/étiquette, lorsque les particularités deviendront plus envahissantes?  Alors là, ils devront passer par toutes les étapes du deuil, qu'ils se sont empêchés de vivre au fil des ans...  et ils repasseront possiblement par le fait même par les différentes formes de déni encore une fois tel que le déni/espoir...  

Une personne pourrait  très bien par exemple vivre en premier lieu le déni du problème pour suivre par le déni/étiquette pour ensuite être dans le déni/espoir.

Il existe probablement plusieurs autres formes de déni que je n'ai pas nécessairement cotoyé. Peut-être aussi que certains diront que c'était évident pour eux, qu'ils avaient compris ça il y a longtemps. Peut-être que d'autres comme moi, découvre petit à petit, par eux-mêmes ou à travers les autres, à quel point les étapes du "deuil" c'est complexe.


Je vous laisse seulement imaginer tout le temps que traverser ces étapes peut prendre dans la vie d'une personne, et toute l'énergie psychologique que ça peut demander.

Il est clair que nous n'en parlons pas assez, parce que c'est tabou. Qui veut oser avouer qu'il accepte mal le diagnostic de son enfant, qu'il vit de la colère, du ressentiment, qu'il voudrait que l'enfant soit comme les autres, qu'il n'accepte pas de voir le problème.  Non, ces personnes garde le tout pour elles et les suivants, qui passent par les mêmes étapes, se sentent par le fait-même seuls au monde... pensant que les autres qui n'en parlent pas, ne vivent pas ce genre de situation. C'est donc "mal".

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