jeudi 28 novembre 2013

L'alimentation et l'autisme (ou autre)

Les difficultés alimentaires réelles ne sont pas propre à l'autisme, mais elles sont très répandues chez les enfants autistes. On peut retrouver des particularités alimentaires chez d'autres enfants avec d'autres "dys" ou bien des enfants avec des particularités sensorielles sans qu'il n'y ait de diagnostic officiel associé.

Il y a un certain temps que je n'ai pas abordé le sujet, en partie puisque avec les années, nous nous habituons à nos enfants et nous ne remarquons plus vraiment.

Tommy a eu de grosses rigidités alimentaires. Ce fut une période très stressante dans nos débuts dans le monde de l'autisme et c'était la cause de nos premières consultations avec le corps médical.

Tommy n'avait jamais mangé "comme nous" et du jour au lendemain il a commencé à retirer de son alimentation les aliments un à la fois pour finir par n'en manger que deux trois seulement, certains jours, rien du tout.

Chez nous, il y a eu un temps où notre maison se transformait comme en restaurant. La minie avait son repas à elle, Tommy le sien et nous et la grande un autre. La minie n'avait pas les mêmes goûts alimentaires que Tommy et jusqu'à quatre ans ce fut aussi une période assez difficile, quoique moins stressant que son frère puisqu'elle mangeait à tous les jours.

La grande mangeait devant la télévision lorsqu'elle était bébé. Sa particularité à elle était de ne pas reconnaitre qu'elle avait assez mangé et lorsque, soudainement, elle n'en voulait plus, son estomac rejetait son repas en entier. La faire manger devant la télévision limitait les dégâts que certains hauts le cœur provoquaient si elle était trop "consciente" qu'elle mangeait.  Mais encore, ce n'était pas si mal et à 2 ans elle mangeait déjà comme nous. Toutefois, nous avons mis une bonne année supplémentaire à lui enseigner et la convaincre de manger avec les ustensiles.


Manger est naturel et instinctif. Mais que fais-t-on lorsque les principes ne tiennent plus?

La première réponse qu'on donne aux parents qui s'inquiètent de l'alimentation c'est qu'un enfant ne se laissera pas mourir de faim.  En général...  Lorsque nous sommes face à un enfant autiste, oui, il pourrait se laisser mourir de faim.

Le concept de faim et la sensation de la faim n'est pas nécessairement comme nous pour plusieurs autistes. Certains pourraient ne pas la ressentir cette faim donc ne jamais avoir besoin de manger. Ils pourraient sentir la sensation mais ne pas le reconnaitre comme étant la faim et que cette sensation désagréable puisse être comblée en mangeant.

Tommy faisait parti de ces autistes qui se serait laissé mourir de faim. Plusieurs jours, il s'alimentait de lait supplément de repas, nous, souhaitant que c'était suffisant pour passer à travers les crises alimentaires. Comme sa grande sœur, il mangeait devant la télévision, avec un jouet, comme si ça atténuait (dans son cas) l'agression que manger peut provoquer à ses sens. Le toucher, la vue, le gouter et  l'odorat. La vue d'une texture repoussante à ses yeux, une odeur trop forte, anormale, trop désagréable pour son nez, la texture au toucher de l'aliment et le goût particulièrement fort ou trop fade selon le problème sensoriel de l'enfant. C'est compliqué manger lorsque tous les sens s'y mettent et que le cerveau n'arrive pas à bien traiter tout ça. Tommy mangeait donc en jouant ou en écoutant la télévision, ce qui semblait mettre un peu à off les autres sens.

La petite minie ne voulait pas être à part, elle n'était pas la pire, mais non plus la plus facile. Elle refusait tous les aliments habituellement appréciés des enfants. Elle n'avait pas de goût précis et nous ne savions jamais ce qu'elle accepterait ou non de manger. Un jour oui, le lendemain non.  Longtemps, elle ne mangeait qu'un seul légume, quelques bouchées de viande donnée presqu'à son insu et c'était tout.  Les fruits nous ont longtemps sauvés la vie, les céréales, les rôties. C'était mieux que rien. À l'inverse de Tommy, pour elle, les aliments devaient goûter forts pour qu'elle ait une sensation agréable dans sa bouche le temps du repas.


Les années ont passé et plusieurs de ses difficultés sont derrières nous aujourd'hui, mais les particularités sont là pour rester. La différence c'est que nous y sommes habitués et c'est moins grave qu'à l'époque.

La minie puce est toujours difficile sur l'alimentation. Elle apprend toutefois à faire des essais, nous connaissons mieux ses goûts et elle fait beaucoup d'efforts de son côté. Les repas sont longs, elle est distraite, mais ça va tout de même mieux. Toutefois, les lunchs et collations de l'école sont un vrai casse-tête. Ses choix d'aliments sont limités et depuis quelques semaines elle en refuse de nouveaux puisqu'elle s'est "une journée" probablement étouffée. Une fois étant coutume, elle s'étouffe maintenant sans arrêt à l'école si je lui mets un de ces aliments refusés. Notez qu'elle ne s'étouffe pas à la maison puisque son cerveau à fait l'association du danger d'étouffement avec ces légumes à l'école seulement. Bref, un beau casse-tête et frayeur pour la TES de l'école qui avait presque peur de retrouver la minie bleue à l'école. Comme elle ne mange presque rien sans efforts de notre part, les choix de lunchs sont limités. Elle est toujours la petite "j'aime un jour je n'aime plus le lendemain". 

Tommy mange maintenant comme nous, il ne mange pas de tout et n'importe quel fruit mais les repas ne sont plus un casse-tête, en dehors des fois où il se sauve encore lorsque le repas qu'il a devant lui demande un peu trop de gestion à son cerveau. Ca arrive, nous avons des renforçateurs, parfois une feuille avec des cases à cocher pour qu'il sache le nombre de bouchées qu'il doit prendre...  Il se sauve, nous le rattrapons. Parfois, nous laissons de coté la bataille, nous mangeons et nous gérons le "cas" Tommy par la suite.

La grande c'était notre cas la moins compliqué... heureusement, puisqu'avec l'arrivée du petit dernier, il est difficile parfois de ne pas me questionner sur notre part à jouer avec les difficultés alimentaires des enfants.

Le bébé mange... assez bien, un peu de tout, mais principalement si nous le nourrissons nous-mêmes, sinon, comme sa petite-grande sœur, il ne mangera pas. Multiples jeux, beaucoup d'imagination, de mauvais mots retenus dans ma tête lors des pires jours, pour réussir à lui passer quelques bouchées par-ci par-là.  Il ne me laisse pas reconnaitre vraiment de goûts précis et dernièrement, avec les microbes de l'automne, il mange moins bien et peu varié. J'avais réussi à le faire manger quelques fois avec une fourchette et il piquait lui même ses aliments, il mangeait assez bien mais il me semble que ce temps est déjà loin. Du jour au lendemain, si J'OSE lui poser une fourchette sur son plateau de sa chaise d'appoint, il se fâche après moi et me la redonne en criant non. Sinon, il la lance par terre. Pourquoi? Aucune idée.  Il ne mange pas assis à la table avec nous puisque si j'osais essayer, il se sauverait à la course et ne mangerait plus aucune bouchée. Il faut se rappeler que le petit dernier n'a jamais vraiment manifesté l'intérêt de faire comme nous à la table donc il est beaucoup plus intéressé par le reste.

OUI, parfois je me demande notre part de responsabilité sur des difficultés comme celle de bébé qui font qu'il mange seulement avec beaucoup de persuasion, sinon pas du tout, qu'il ne mange pas comme nous encore et qu'il doit encore être dans une chaise d'appoint. Nous ne pouvons pas vraiment savoir comment ce serait autrement, si nous agissions différemment avec lui lors des repas qu'est-ce que ça donnerait. Lui donner son repas et ignorer, il ne mange pas du tout et lance le tout par-dessus bord, sauf quelques fois d'exceptions. Les exceptions se voulant plus rare qu'autre chose.

Aujourd'hui, il a finalement mangé en dehors de sa chaise, assis sur le divan. Qui risque rien n'a rien. J'ai pris le risque qu'il refuse de manger dans sa chaise et insiste pour le divan les prochaines fois mais ce sera une autre bataille à voir.

Si je ne peux savoir qu'elle part nous avons dans ces difficultés alimentaires, et qu'elle part la compréhension et ses difficultés propres à lui jouent dans tout ça, nous faisons en attendant comme avec les autres, c'est à dire, suivre notre instinct et faire de notre mieux.

Il y a longtemps je crois que j'avais mis ce lien, je le remets au cas :
http://tedstrategiessco.canalblog.com/archives/2009/08/27/14862894.html


Bref, si ce n'est plus le restaurant chez nous, je dirais que par moment, ça frôle encore la folie entre les escapades de Tommy qui fuit au plus vite dans une autre pièce, le bébé qui hurle dans sa chaise et la minie qui a les larmes aux yeux du repas qu'elle a devant elle.

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