mercredi 30 octobre 2013

La deuxième fois n'est pas plus facile

J'avoue, j'ai été naïve. Vraiment.

Je l'ai compris, malgré moi, vraiment rapidement.

En fait, tout à commencé, surtout quand le bébé avait 6 mois.

L'âge où il est possible, sans que ce soit hors de tout doute, de reconnaitre si oui ou non l'enfant est à risque d'autisme ou de retard pour les mois à venir.

6 mois.

Ben oui, c'est tiré par les cheveux, et peut-être pas tant que ça. Mon bébé a 6 mois n'était pas comme les autres et j'étais forcée de le constater. Il ne me regardait pas dans les yeux, il détestait même mon contact lorsque je tentais de l'amuser par différentes comptines. Il refusait de me regarder quand il mangeait, il détournait son regard le plus possible.  Le plus intéressant pour lui dans une journée c'était de regarder les ombrages au mur.

Depuis sa naissance, on le disait qu'il était TROP sage. Il ne demandait rien, ne pleurait pas pour ses besoins et pouvait fixer le plafond sans se tanner.


J'ai cru, avant de le mettre au monde, que je pourrais faire plus.  L'autisme, je le connaissais, je pourrais, si je constatais une différence, intervenir plus rapidement et mieux.

Je n'aurais pas été aveugle comme Tommy. Je croyais pouvoir faire plus et même prévenir.


Oh, que j'ai frappé un mur solide. Un mur de béton et même si je ne l'ai pas dit tout haut, ça a fait mal, pas à près.


Pourquoi les autres peuvent chanter des comptines à leurs enfants? Pourquoi leur enfant les regarde, droit dans les yeux, qu'il jase déjà à sa façon?  Pourquoi le mien, mon quatrième, mon petit dernier, n'arrive pas à le faire et pourquoi ce contact semble si difficile?

Après quatre, j'ai même fini par me demander très sérieusement si je n'étais pas la cause.  Les psychanalystes aimeraient bien lire cet aveu aujourd'hui. Une mère à étudier, prouvant leur théorie que nous sommes la cause de l'autisme de nos enfants.

Suis-je si plate? Si emmerdante? Suis-je si peu amusante qu'il vaut mieux éviter tout contact avec moi? Parce que c'est comme ça que se comportait mon bébé de seulement 6 mois. J'avais beau tout essayer, au meilleur de mes connaissances, rien à faire. Un mur de béton.


Toutes les connaissances ne peuvent malheureusement pas prévenir et connaitre l'autisme, ce n'est pas connaitre UN autiste. Mon mur de béton, je l'ai frappé et je ne m'y attendais pas du tout.

Les mois ont passés, le bébé se retournait tout de même à son nom et commençait à s'ouvrir un peu plus au monde, mais il y avait toujours cette ombre qui laissait un doute et surtout, cette difficulté à interagir avec lui, à le sentir "avec nous".

Évidemment, les gens font un comparatif avec son frère. Il est mieux que son frère, plus ouvert, moins dans sa bulle. Il est pas comme son frère.

En êtes-vous certains?

Quatorze mois c'est l'âge qu'il avait quand il a commencé sa fixation sur les voitures. Une journée, il a passé plus d'une heure à faire rouler une voiture en va et vient sur une table. À partir de ce moment, c'était les voitures, ou rien.

Puis vint le moment où lorsqu'il ne savait plus quoi faire en dehors des voitures, il se frappait la tête, solidement, sur le plancher, les murs, les comptoirs.


Tommy, lui, aimait mettre des objets un par-dessus l'autre et il cognait des jambes.
Le bébé lui faisait rouler ses voitures, des heures durant, à des endroits bien précis et se frappait la tête.


Mais le bébé n'est pas Tommy, du moins, c'est ce que les gens continuent de dire. Il est moins dans sa bulle, beaucoup plus ouvert aux autres.

Tant que ça?

Lors de cet été de ses quatorze mois, j'ai eu une grosse brique sur la tête. Si j'avais cru à un moment que je pourrais en faire plus, cet été, je l'ai subi et je n'ai plus rien faire.

Pas plus que lorsque Tommy tournait autour de la table ou lançait des cailloux lorsqu'il avait deux ans. C'était aussi difficile, non, même PLUS difficile, parce que là, je savais, j'avais les connaissances et je n'avais pas plus de solutions qu'à l'époque. Je n'étais pas meilleure et j'étais tout aussi désemparé face à ce comportement auquel je ne pouvais rien.


Le bébé a maintenant deux ans et demi. Je n'ai pas moins mal de le voir incapable de comprendre ce que j'exprime lorsque je lui parle, que je lui demande d'attendre deux minutes, un instant, attend, ça ne sera pas long. Du chinois à ses oreilles. Je n'ai pas moins mal, j'ai même plus mal, parce que je n'ai toujours pas de solutions, parce que les pictogrammes ne sont pas encore tout à fait à son niveau de compréhension.

Peut-être parle-t-il, peut-être pointe-t-il et n'a pas de retard marqué dans le développement de la motricité si on compare à son frère, parce que c'est ce que les gens font toujours.

Mais son frère faisait des casse-têtes, il aimait découvrir des nouvelles activités et j'arrivais à l'intéresser plus que deux secondes sans nécessairement me battre avec lui, même si je me sentais dépourvue quand il recommençait à tourner. Son frère adorait se faire féliciter, chanter bravo! Un rien lui faisait plaisir.

Pourtant, je ne me sens pas moins dépourvue, ce n'est pas plus facile... parce que le défi, lui, s'il n'est pas comme son frère, le défi persiste, et il est bien là, réel, différent.

Son frère adorait participer avec nous, bébé lui, n'aime pas.

L'intéresser, lui changer les idées, est bien plus compliqué que ce pu l'avoir été avec son frère. Parce que faire le PEP-3, rencontrer l'orthophoniste, faire des petits blocs de thérapie demandent bien plus d'énergie et d'imagination et de patience que ce pu l'être pour Tommy. Le bébé lui, il ne veut pas. Rien à faire, il a sa fixation bien à lui et si ca ne vient pas de lui, ne lui demandez pas de vous nommer les parties du corps, vous les montrer ou vous pointer des images dans un livre. Ca doit lui tenter, absolument... sinon il sera de marbre.

Quand, il y a trois semaines, le CRDI est arrivé chez moi, je savais déjà ce qui nous attendais. Ce mur que j'ai frappé lorsqu'il avait 6 mois, ce mur que malgré tous les efforts que j'ai pu mettre, je ne suis pas arrivée à le défoncer. Ce mur, bien solide, bien haut, qui parfois, par moment, semble infranchissable, tout comme ce l'étais pour Tommy, avec les mêmes sentiments, les mêmes déceptions, les mêmes deuils, les mêmes peines...

C'est deux éducatrices qui sont venues à la maison, et deux, ce n'était même pas de trop avec un petit qui veut tout faire pour éviter et surtout qui ne comprend pas ce qu'on veut bien de lui.  Lui, il veut jouer, comme il veut, quand il veut, avec ses autos. Je l'ai entendu pleurer à chaudes larmes, d'autres journées je l'ai vu mieux comprendre ce qu'il voulait.


Moi, je ne me sens pas mieux, pas meilleure, je me sens même pire que la première fois, parce que je n'ai pas réussi à percer le mur de béton, mais j'ai cru que c'était mon manque de connaissance, mon manque d'énergie, mon manque de constance.

J'ai cru que je ferais mieux, que cette fois je serais meilleure, que j'y arriverais, que j'aurais plus la forme, la patience, l'énergie. Mais j'ai le même poids sur la tête, le même sentiment d'impuissance, le même manque d'énergie et de force pour me battre contre ce mur.

J'ai été forcé de constater que toute l'énergie du monde, toute la volonté du monde, toutes les stimulations imaginables, ne peuvent pas percer ce mur, en fait, c'est l'enfant lui-même, quand il sera prêt, va nous laisser un peu plus de place et lui va faire son chemin quand il sera rendu là.


Une constatation loin d'être facile, tout aussi culpabilisante, tout autant que j'ai l'impression, une deuxième fois, d'abandonner, de laisser tomber.

Le bébé n'est pas comme son frère, on me le répète, trop souvent. Probablement pour se convaincre qu'une deuxième fois ça n'arrivera pas.  Pourtant, moi qui le vit à tous les jours, le bébé, est comme son frère. Moins dans sa bulle, plus conscient et attaché à moi, en pleine crise d'angoisse de séparation, mais un aussi gros défi. Parce que Tommy tournait, des heures, alignait ses jouets. Le bébé lui, fait rouler ses voitures, depuis plus de 16 mois, sans arrêt et s'il ne le fait pas, il veut jouer à la tablette, aux voitures. Parce que Tommy lui, aimait participer, était fier de se faire féliciter, le bébé lui, ne me regarde même pas, ne lève même pas les yeux si je lui crie un gros bravo, enjouer, le plus motivant possible...

Il n'est peut-être pas son frère, et pourtant, sont-ils si différents?

2 commentaires:

Anonyme

Comme c'est ma réalité! J'ai 2 fils TSA, et j'ai douté un bon moment pour mon 2ème justement parce que je ne voyais pas en lui les mêmes traits que son frère... Mon premier fils ressemble beaucoup a ton 2ème et mon 2ème ressemble a ton 1er. C'est difficile aussi de se réajuster comme parent aux difficultés et aux forces de chacun d'entre eux. Bonne continuation!!

Anonyme

C'est pas facile Annie! Tu es une super maman met toi en pas trop sur les épaules. Tu as dit que tu vas devoir attendre qu'il soit prêt et je crois que c'est la meilleur attitude. Un jour tu vas relire ton texte et tu vas penser à tous ce qui à progresser depuis. Lâche pas. Mélanie

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