mardi 1 février 2011

Vous a-t-on demandé "comment ça va?"

Je vous pose la question aujourd'hui.

Est-ce qu'on vous a demandé comment ça va? Pas la petite question de cadre de porte à laquelle les gens ne veulent pas vraiment de réponses, mais la question sincère. "Comment tu vas? Comment tu vis toutes les épreuves?"

Je me rappelle lorsqu'on a fait les démarches pour notre garçon et obtenu le diagnostic, à quel point c'est ce qui m'avait le plus blessé. Pour les gens, la vie n'a pas changé et peu d'entres eux pensent à nous demander comment on va.

J'hésite entre "l'humain qui est égoiste et ne pense qu'à lui" et un mélange de "on ose pas demander de peur de vous blesser" et "je ne veux pas savoir vos petits problèmes".

Je trouve ça dommage, parce que je l'ai écrit plusieurs fois, les parents se retrouvent isolés dans leur monde "parfait" qui vient soudainement de s'écrouler.

La vie n'a pas changé pour les autres. Ils nous reçoivent une fois de temps en temps, ils voient nos enfants quelques heures ici et là. Ils ne vivent pas nos inquiétudes en sortie, ils ne vivent pas nos défis quotidiens. Certains banaliseront sans arrêt notre vécu, ce qui nous force à se renfermer encore plus.

On ne peut pas avoir les mêmes conversations que les autres parents. Même nos amis les plus compréhensifs et supportants ne peuvent pas combler ce soudain vide.

Si on nous demande comment ça va, et qu'on tente de répondre, on ne se sent pas vraiment écouté. "Notre garçon n'est pas encore propre, nous trouvons ça difficile."  Réponse commune : "Ah! Il n'y a rien là, il est encore jeune, il a encore le temps, le fils de mon ami lui...."  ou "Ah! Je te comprends...".   Réponse qu'on voudrait faire mais qu'on retient pour éviter que la conversation ne dégénère : "Non tu ne comprends pas...  et arrête de me comparer avec le fils de ton ami qui lui est tout à fait "normal""

On fini par s'éloigner des conversations, et se taire dans un coin.

Il y a plusieurs choses que j'aurais envie de partager. Tout comme la maman d'à coté, j'aimerais pouvoir parler de notre quotidien, de nos difficultés et de nos inquiétudes, mais personne ne m'a demandé sincèrement "comment ça va?" et est prêt à écouter réellement.

Vous savez(parents d'enfants dit "normaux" donc sans troubles xyz), quand vous gérez une crise de votre enfant de 2-3-4 ans, vous savez que ça va passer en vieillissant, que c'est une phase normale de l'enfance. Que ce soit le populaire "terrible two" ou bien le terrible "f. four", ou même la crise "post entrée scolaire". Ça va passer. Votre enfant de 18 mois est fâché, se cogne la tête sur les murs, vous nous direz que vous "comprenez" ce qu'on vit, mais non vous ne comprenez pas, parce que quand vous gérez la crise en question vous êtes loin de penser à un futur pas si lointain avec un enfant de 80lbs qui fera probablement encore le même genre de crise. Il n'aura toutefois plus 18 mois mais 10 ans. Votre enfant de 18 mois à ce moment sera un enfant autonome, qui part chez ses amis quelques heures ici et là, qui peut s'habiller, se laver, se lever le matin seul, se faire et manger seul. Notre enfant de 10 ans lui sera probablement encore proche de l'enfant de 18mois de l'époque... alors que vous disiez "comprendre" ce qu'on vivait.

Les phases difficiles vous les vivez en sachant qu'elles vont passer. Les phases difficiles ont les vit en sachant qu'elles vont durer et on en profite en se disant qu'on l'a "facile" pour le moment avec un petit bonhomme qui ne pèse que 40lbs. Profitons-en avant que ce ne soit plus gérable, et qu'il faille être 2-3 adultes pour maitriser un enfant qui ne le sera plus vraiment.

Vous vivez difficilement avec un enfant de 12-18 mois malade, qui ne peut dire où il a mal, qui ne peut comprendre qu'il faut le soigner. On le vivra encore à 5-6-7 ans et plus encore.

À travers les rencontres, les sorties familiales, entre amis, on écoute les conversations auxquelles on ne peut plus vraiment se mêler.

L'entrée scolaire qui arrive à grand pas, alors qu'on ne sait toujours pas si notre enfant ira dans une classe spécialisée. Qu'on doit préparer de gros documents informatifs à l'attention de l'école, qu'on doit fournir rapports par dessus rapports, qu'on doit penser à la prochaine rencontre d'évaluation en pédopsychiatrie de notre enfant ainsi que les différents tests pour évaluer son développement actuel. Votre enfant vous parle avec hâte de l'école, le notre ne sait même pas où il va se faire "garocher" à l'entrée scolaire, il ne sait pas qu'il va aller à l'école, il ne sait pas qu'il va quitter sa garderie actuelle et une conversation verbale est loin d'être ce qui va remédier à la situation.

On écoute la maman qui raconte la fameuse phase de "gravité" de son bébé. "Je suis  tannée, il lance tout dans l'escalier, je dois dire non sans arrêt ....."  et nous sans répondre, avec un petit sourire qui retient ce qu'on aurait à dire, on pense aux nombre de fois depuis 4 ans et demi qu'on vit et revit et rerevit et rererevit cette fameuse phase, gérant des crises d'incompréhension de plus en plus difficiles à maitriser lorsque la phase reprend de plus bel, ne sachant même pas pourquoi le comportement est revenu ni comment le gérer.

Pendant qu'à 4 ans et demi les mamans se racontent que là c'est le temps que leur enfant se lave seul dans le bain, on réfléchi à la séquence de pictogrammes qu'on devra faire, et le temps que ça prendra, ainsi que l'enseignement, la surveillance qu'on devra y mettre. Oui pendant que vous trouvez que votre enfant ne se lave pas assez bien seul, nous on surveille un enfant qui si on quitte la salle de bain quelques secondes, on se retrouve avec l'eau du bain partout sur le plancher. Ah mais bien entendu vous nous répondrez que vous comprenez, en nous parlant de cette phase du 2-3 ans... alors que nous on pensera au futur.

Pendant que les phases passent d'elles-mêmes dans l'enfance de vos enfants et dans vos vies, nous les voyons arriver, passer, partir, revenir, repartir, revenir... revivant constamment du "déjà vu", et un peu écoeurés de voir le tout se répéter encore et encore et encore.

Est-ce qu'on m'a demandé comment ça va? Réellement? Je peux vous dire que c'est rare, peu réussissent à le faire et réellement écouter.

Et vous? Vous a-t-on demandé comment ça va? En dehors des parents d'enfants différents qui comprennent réellement ce que vous vivez, dans votre entourage, comment cela se passe-t-il?

3 commentaires:

Anonyme

J'essaie de me mettre à votre place et je me dis que c'est difficile de le faire et surtout de se dire que rien ou presque ne changera. Y aura-t-il une évolution ? Je n'en sais rien.
De toutes façons, personne n'écoute personne. Quand on nous demande "Comment ça va ?", nous devons juste répondre :"ça va". Personne ne veut savoir si c'est vrai ou non, quelque soit les problèmes qu'on peut avoir.
J'ai des amis avec qui je peux discuter de notre santé et qui écoutent, mais ils sont rares et il faut avoir le temps. C'est ce qui manque à présent.
Je me répète toujours en vous souhaitant bon courage et je ne peux que faire la comparaison quand je pense à mes petits-enfants normaux. Je pense régulièrement à vous et à vos petits. Donc bon courage et toutes mes pensées. Gros bisous à tous B2 (Marie-Bénédicte)

Annie

"De toutes façons, personne n'écoute personne. Quand on nous demande "Comment ça va ?", nous devons juste répondre :"ça va". Personne ne veut savoir si c'est vrai ou non, quelque soit les problèmes qu'on peut avoir."

C'est exactement mon point. Les gens ne veulent pas savoir dans plusieurs circonstances, par contre les mamans se rencontre, discutent, forum etc.. et arrive à partager, se parler de choses qu'elles vivent semblables. Des petites crises du 2 ans, de l'affirmation du 4 ans. Elles se retrouvent, même si elles ne se confient pas à tous les jours elles arrivent à parler, dire que la dernière nuit a été difficile et elles se comprennent. C'est un privilège qu'on perd, on lit, on écoute de loin mais on ne vit plus les mêmes choses qu'elles. Quand on parle le malaise s'installe, le "je ne sais pas quoi dire" ou la banalisation de ce qu'on vit (oui certains le font volontairement malheureusement dans certaines familles..) alors on devient privé des petites discussions de tour de table... pas par les gens de façon volontaire, mais parce que les gens ne le vivent pas, on ne parle plus le même langage. Nous on se comprend en pictogrammes, ergo, ortho, pédopsy, pepr, tests xyz, eux se comprennent dans les dernières prouesses en ski, en vélo, à l'enfant qui prépare sa fête avec hâte...

Anonyme

L'isolement, c'est pénible... Mais avec ce blogue, nous sommes plusieurs à non seulement te poser silencieusement la question "Comment ça va Annie?", mais aussi à être sincèrement intéressé par la réponse, voire à avoir besoin de le savoir. Comme les autres parents "à vies normales", on a besoin de se faire rassurer dans nos découragements, nos incompréhensions, nos frustrations, nos imperfections et nos petits bohneurs. En te lisant, on se dit qu'on est normal dans notre "vie hors normes" finalement ;)

En bonus, j'ajouterai que si tu as l'impression que les autres se ferment, c'est peut-être pcq tu ne joues pas la victime. Garder la tête haute, ne pas s’apitoyer sur son sort, avancer plutôt que chigner, ce n'est pas la mode dans notre coin de pays... Si tu avais l'air d'une galette de bouette éplorée qui veut juste se faire écouter, tes interlocuteurs pourraient facilement savoir comment se comporter, soit en oreille passive. Mais là, tu oses sortir d'un des rôles de victime/bourreau/sauveur... Tu les déstabilises complètement ;)

Fofie

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