vendredi 10 décembre 2010

DESSERT

Un des problèmes principal reconnu chez le TED (et peut-être d'autres troubles semblables?) est la généralisation des apprentissages.  Il y a aussi une question d'association qui est faite dans la tête de l'enfant TED.

Pour un enfant typique... un verre est un verre. Qu'il soit bleu, blanc, rouge, qu'il soit grand ou petit. L'enfant peut avoir une préférence, mais pour lui un verre c'est un verre en autant que ce soit fait pour boire.

Pour l'enfant TED certains parents parleront à un certain moment de rigidités. L'enfant refuse de boire dans un autre verre ou bien dans une autre assiette, avec une fourchette différente de l'habitude sinon l'enfant fait une crise.

Avant de connaitre le TED de l'enfant il est fort possible que les parents pensent que ce phénomène est un simple caprice de l'enfant.  Pourtant l'enfant est vraiment désemparé et ce changement peut amener de fortes crises.

On parle de rigidités, difficultés avec le changement.

Récemment on m'a prêté le livre de Brigitte Harrisson. Je connaissais déjà beaucoup de choses chez le TED, mais j'avoue que la manière dont c'est écrit dans le livre, je trouve que c'est plus éclairant. J'avais parfois de la misère à mettre en mot ce que je comprenais déjà, et là ça me semble plus simple.

Bien entendu je donne ici des explications, comme j'ai déjà dit, n'étant pas parfaite il se peut parfois que je fasse des erreurs que ce soit d'interprétation ou dans la façon de l'expliquer.

Le TED fait des associations. C'est comme ça que ça marche dans sa tête.

Par exemple, j'ai déjà raconté l'histoire de ma grande qui disait qu'on commandait du "parfait", lorsqu'on faisait livrer du restaurant. L'association était simple... quand le livre quittait on disait à tout coup "parfait, merci". Donc le repas = du parfait.

Dans le livre Brigitte donne plusieurs exemples sur le fonctionnement interne, et les associations.

Par exemple, si on prend le cerveau comme un ordinateur avec une base de données, l'enfant lorsqu'il a appris la signification du VERRE (utilité et apparence) il a enregistrer qu'un verre pour boire ça a cette forme :


Si on lui arrive du jour au lendemain avec celui-ci :



ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas LE VERRE. Celui qui a l'utilité et apparence apprise au départ.

L'enfant a enregistré dans sa base de données que le premier exemple est un VERRE. Quand le second lui est présenté, ce n'est PAS un VERRE.

Là où l'enfant typique apprendra de lui-même, presque instantanément que les deux ont la même fonction (donc la base de données est élargie à une infinie de possibilités de verres), on doit enseigner à l'enfant TED à mettre dans sa base de données le nouveau verre. Pour lui ça ne se fait pas instantanément. Et ce sera de même pour les suivants. 

Bien entendu chaque enfant TED est différent et pour certains l'apprentissage se fera plus rapidement que d'autres.


J'en viens à mon exemple du jour.

Qu'est-ce qu'un dessert pour vous?

C'est quelque chose qu'on mange après le repas principal, habituellement sucré. Un gâteau, crème glacé, biscuits...

Notre minie puce, vous savez celle qui débloque de façon exceptionnelle depuis un certain temps, ce petit modèle subtil qui fait douter l'entourage, parfois les parents et intervenants, nous fait vivre un bel exemple de ce qui est décrit plus haut.

Elle connait le mot dessert. Elle connait aussi sa fonction.

Pourtant si on prend l'exemple de la base de données, mon conjoint dit qu'elle n'a qu'une entrée à la fois.

Dessert = X et toujours X. Il n'y a pas de place pour X et Y.

Dans les grandes capacités de la cocotte le X varie dans le temps, mais il reste unique. 

Il y a un mois on a acheté une boite de biscuits aux brisures de chocolat. On utilise aussi peut-être un peu plus le mot "dessert" alors qu'avant on lui faisait plutôt choisir ce qu'elle voulait manger entre plusieurs sortes de biscuits quand disponible.

Vint le temps d'offrir le dessert à la minie en lui disant "tiens voilà ton dessert" en lui présentant le biscuit au chocolat.

La puce a donc fait l'association X = biscuits au chocolat. Donc c'est ce qu'elle prend à tous les desserts.

Il y a 10 jours, nous avons entré le calendrier de Noël. Suite à un repas j'ai offert à la minie de prendre un dessert, en lui présentant le calendrier.

X vient donc d'être remplacé par le chocolat.

À tous les jours depuis 10 jours, après le diner la minie puce demande son dessert.
À tous les jours depuis 10 jours, après le souper la minie puce demande son dessert.

À tous les jours depuis 10 jours j'explique à la minie que le chocolat il n'y en a qu'un par jour.
À tous les jours depuis 10 jours la minie me répète après le souper qu'elle veut son dessert. Le reste n'est pas un dessert.


Nous avons fait des biscuits maison la semaine dernière. Lorsqu'on a dit que c'était l'heure de prendre le dessert en présentant le biscuit fait maison, on a eu droit à une petite crise de larmes et un "NON ça c'est pas un dessert". La minie s'est redirigé vers l'armoire, demandant en premier le chocolat et après un refus en choississant l'ancien X (biscuit au chocolat).

Ce soir ma grande offre à tout le monde un biscuit au chocolat fait maison.

La minie le prend sans hésitation, il lui a été présenté sans prononcé le mot "dessert". Toutefois, après avoir mangé son biscuit, la cocotte vient le coeur gros, en répétant "c'est pas un dessert ça" et se dirigeant vers l'armoire pour avoir son dessert, son chocolat.  Comme il lui est refusé, elle reporte son attention sur le nouveau X qu'elle a pris comme remplacement. Un batonnet.


Si j'imageais sa base de données je pourrais dire qu'elle a la forme suivante.

Dessert = X
Choix de dessert = X,Y,Z

Le dessert actuellement dans sa base de donnée est le chocolat.
Si jamais le chocolat n'est pas disponible, elle fait un remplacement du X et non une addition. Elle n'ajoute pas dans sa base Dessert, un nouveau dessert, mais elle le remplace temporairement.

Si le X n'est pas disponible elle le remplace par le deuxième choix possible qui est Y, et si le choix Y n'était pas disponible elle irait jusqu'au Z.

Elle ne fait pas le choix nécessairement par goût mais par "logique". Dessert = X. Si X non disponible remplacer par Y.  Par contre le lendemain c'est réinitialisé ce qui amène à répéter encore et encore que le fameux chocolat ne se mange qu'une fois par jour et qu'elle doit choisir un autre dessert.

C'est une association qui est faite à la maison. C'est une particularité subtile qui ne paraitra pas en public. La raison est simple, elle sera dans un nouveau contexte. On pourrait donc dire qu'il y a l'association Dessert-maison, Dessert-restaurant, Dessert-mamie. 

En arrivant chez mamie pour la première fois le Dessert-mamie = ____  à combler par quelque chose.


Pour la majorité des gens ce que je raconte ici est banal.
Pour nous, c'est apprendre à gérer une façon de penser un peu différente de la moyenne.
Pour nous, c'est envisager, si le "problème" persiste, de faire un tableau d'images de desserts possibles, ainsi que son fameux chocolat qui ne peut être mangé qu'une fois par jour. C'est envisager de lui faire varier ses choix de dessert par image, afin qu'elle puisse ajouter des données à sa base de données Dessert.

Oui ma minie a l'air d'une enfant tout à fait normal, elle a un fonctionnement très proche de la "norme", je dis même que mes filles ont probablement un fonctionnement un peu NT et un peu TED et c'est à nous de démêler le tout.

Ça reste toutefois des petites particularités de notre quotidien.

Juste-milieu

Le juste-milieu :  Position à même distance de deux extrêmes, manière de penser, d'agir également éloignée des exagérations opposées.

Le juste-milieu, ou quand tout n'est pas noir et tout n'est pas blanc.

Il est nécessaire de sensibiliser les gens aux différents handicaps. C'est important pour que les parents de ces enfants soient compris, c'est important pour que ces enfants soient acceptés dans leur différence et leur permettre une meilleure intégration de la société.

Le juste-milieu, c'est ce que je tente de faire depuis plus de deux ans sur ce blog. Parce que le juste-milieu, quand c'était MON TOUR de chercher de l'information sur le TED, je ne le trouvais pas.


Mes premières recherches, il y a deux ans, m'amenaient sur des discours sombre. Mon conjoint avait décidé de s'informer de son coté sur son sujet, ce qui en a même résultat à plus d'une semaine de renfermement sur soi et de "dépression profonde temporaire".

Une personne a posé la question récemment. MAIS où est le positif. Où sont les témoignages qui montrent que ce n'est pas si pire. Les reportages à la télévision montrent le négatif, la douleur, le drame, les films enfoncent encore plus les clichés dans la tête des gens.

Je me souviens avoir lu ces parents en démarches diagnostic avant d'y être moi-même et me dire "ça a l'air l'enfer."  "Pauvres parents, ça doit être dur."

Un jour j'y ai été confronté pour me rendre compte que non ce n'était pas juste noir. Que la perception qu'on décide d'avoir du handicap de l'enfant y est pour beaucoup.

La personne qui a posé la question a OSÉ dire que ce n'était pas si grave que ça. Que ce n'était pas la fin du monde un enfant TED, que les parents l'aiment quand même et qu'ils vivent pleins de beaux moments avec leur enfant. Alors où sont ces témoignages? Demanda-t-elle.

Et des réactions à ce message il y en a eu plus d'une. Il y a eu autant de réactions négatives à ce questionnement tout à fait légitime, qu'il y a eu de réactions positives à l'autre coté de la médaille qui est la sensibilisation par la douleur, la tristesse, la gravité.

Une personne aura répondu que oui c'est difficile et que oui les gens ont besoins de le dire. Elle aura aussi répondu que la sensibilisation par le drame est nécessaire pour faire bouger les choses (NOIR).

Elle aura répondu que c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on réussi à avoir des services pour nos enfants, que les gouvernements sont mieux sensibilisés à nos besoins.

Et de l'autre coté on aura répondu que si on sensibilise par le positif (BLANC) on va se retrouver sans rien.

Bien entendu, vous comprenez que le bonheur, ce n'est pas intéressant. Si on dit qu'on est heureux dans notre petite vie avec notre enfant handicapé, qu'on accepte sa façon d'être sans problème, alors on banalise les besoins qui sont quand même présents.

Mais si on dit que c'est un drame, la fin du monde, difficile, douloureux, qu'on crit à l'injustice, qu'on hait la nature de nous avoir envoyé un enfant handicapé, qu'on la hait de nous avoir volé notre enfant, alors là c'est intéressant.

Intéressant?  La pitié passe mieux comme message que la joie.

Ce drame qu'on cherche à montrer, à sensibiliser pour le bien de nous-mêmes et nos enfants, a des répercussions.

Il se répercute sur des parents en démarches, ou qui viennent tout juste d'apprendre le diagnostic, à qui on montre que c'est sombre, difficile. On leur dit "regardez le malheur qui vous attend". Parce que oui c'est le message que ces gens vont enregistrer dans une des périodes les plus difficiles de leur vie. Parce que l'espoir, ils la cherchent, et on leur vole.

Il se répercute sur les enfants, les adultes handicapés, qui voient ces cris, un peu non comme une démonstration du poids qu'ils sont pour la société. L'enfant qui voit pleurer sa mère parce qu'il ne réussit pas aussi bien que les autres. L'adulte qui entend ses parents dire à quel point la vie avec leur enfant a été difficile et qu'ils ont de la peine pour leur enfant.

Même le "bien grandir" (revue québécoise) semble avoir entendu ma pensée... alors que dans leur récent numéro on parle de la confiance en soi. On explique, ce que je vous dis plus haut, que la confiance qu'on a en nous-même affecte notre enfant et ce qu'il deviendra.  Les enfants ressentent le stress, les émotions et ce même si on veut les cacher du mieux qu'on peut.  Les enfants supportent alors un poids plus lourd et ça affecte aussi leur comportement et leur développement.

L'enfant qui ne se croit pas bon à l'école peut avoir ressenti une pression, avoir vu la peine dans les yeux d'un parent qui tentera de retenir ses larmes.

C'est dur à entendre, comme l'éditeur du bien grandir écrit : "encore un message d'expert pour nous faire sentir coupables".

Oui je sais que mon message n'est pas nécessairement celui que les parents veulent entendre, mais on se doit de le dire pour le respect de nos enfants qui deviendront adultes.


Je discutais de ce problème avec mon conjoint.

Sensibilise par le positif = banaliser la situation.

Sensibilise par le négatif = affecter nos enfants directement, affecter les parents qui ont besoin de voir une lueur d'espoir.

Nous n'avons pu que convenir que c'était une situation "lose, lose", perdue d'avance. On est perdant d'un coté comme de l'autre.

Alors je me pose sincérement la question, où est le juste-milieu? La même question que cette personne a OSÉ poser et qui a tourné un peu au vinaigre.

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